Ambitieux comme il est, David Karp, le jeune PDG de Tumblr, voudrait sans doute un jour égaler ou surpasser le succès de Mark Zuckerberg. Mais ne lui parlez pas de suivre l'exemple du fondateur de Facebook en déménageant son entreprise à Silicon Valley.

«New York est à mon avis la plus grande ville au monde. Il n'y a rien ni personne qui aurait pu me convaincre de déménager à Silicon Valley», a dit l'entrepreneur de 26 ans lors d'une rencontre au siège de Tumblr, à Manhattan, où la populaire plate-forme de microblogging a été créée en 2007.

La passion de David Karp pour New York semble être contagieuse. Depuis 2007, plus de 1000 start-ups technologiques ont vu le jour dans la Grosse Pomme, selon une étude publiée en mai par le Center for an Urban Future, un groupe de réflexion new-yorkais. Ces entreprises ont redonné vie à un secteur de Manhattan surnommé Silicon Alley - entre Midtown et Union Square -, qui avait été anéanti par l'éclatement de la bulle internet en mars 2000.

Outre Tumblr, les figures de proue de cette nouvelle vague dot-com à New York ont pour nom Foursquare, Gilt Groupe, Kickstarter, ZocDoc, Etsy et Quirky, entre autres. Au total, ces entreprises ont contribué à une explosion d'emplois en technologie de l'information à New York, selon l'étude du Center for an Urban Future. Le nombre de ces emplois est passé de 33 000 en février 2003 à 52 900 en février 2012, une hausse remarquable de 60%.

Une crise bénéfique

New York exerce même un attrait sur les géants de Silicon Valley, dont Google et Facebook, qui y ont désormais pignon sur rue. D'autres grands noms de la côte ouest, y compris Twitter, LinkedIn et eBay, ont annoncé leur intention de les suivre.

Paradoxalement, la crise financière de 2008 a contribué au boom technologique new-yorkais, selon Bruce Bachenheimer, professeur de gestion et directeur d'un programme d'entrepreneuriat à l'université Pace de New York.

«Un grand nombre de programmeurs, d'ingénieurs et de cracks de l'analyse quantitative se sont retrouvés à Silicon Alley après avoir perdu leurs emplois à Wall Street», a-t-il dit lors d'une rencontre. «Wall Street a cessé soudainement de monopoliser tout ce talent. Il faut dire également qu'il est devenu plus sexy de dire qu'on travaille à Silicon Alley plutôt qu'à Wall Street. C'est une chose que le maire a compris.»

Fondateur du groupe qui porte son nom et qui l'a rendu plusieurs fois milliardaire, Michael Bloomberg est en effet l'un des plus grands partisans de l'industrie technologique à New York. Il a multiplié les initiatives pour aider les start-ups, mettant en place des incubateurs, organisant des concours d'idées et encourageant les partenariats publics-privés, entre autres.

Son plus grand coup demeure cependant CornellNYC Tech, un immense campus high-tech qui sera construit sur Roosevelt Island, au beau milieu de l'East River, et parrainé par l'université Cornell et l'institut de technologies Technion, basé en Israël.

«Quand ce campus sera complété, New York doublera le nombre de ses diplômés en génie», a expliqué Euan Robertson, responsable de la stratégie de la ville en matière de technologie, lors d'une rencontre.

Aux yeux de Michael Bloomberg, ce projet aidera un jour New York à arracher à Silicon Valley son titre de Mecque des hautes technologies. Euan Robertson n'ose pas lui-même répéter une telle prédiction, préférant utiliser une autre mesure pour parler de la concurrence entre New York et Silicon Valley.

«New York a longtemps été en troisième place derrière Boston et Silicon Valley dans la course au capital-risque», a-t-il déclaré. «Nous sommes aujourd'hui solidement en deuxième place, encore loin de Silicon Valley, mais nous réduisons l'écart.»

»Il ne suffit plus de dire dot-com»

En fait, parmi les sept principaux technopôles américains, New York est le seul à avoir connu une augmentation des investissements en capital de risque dans le secteur technologique. Cette hausse a atteint 32% de 2007 à 2011, selon des données publiées par PricewaterhouseCoopers.

Cela dit, les «capitaux-risqueurs» de New York sont plus prudents qu'au temps de la bulle internet.

«Il ne suffit plus de dire dot-com pour lever de l'argent», dit Bruce Bachenheimer, professeur à l'Université Pace. «Les «capitaux-risqueurs» regardent les revenus et les profits. Et ce que les starts-up new-yorkais font bien, c'est utiliser la technologie existante pour l'appliquer là où elle peut répondre à des besoins réels.»

Parmi les start-up qui ont vu le jour à New York depuis 2007, 133 ont levé au moins 10 millions de dollars, selon l'étude du Center for an Urban Future. Tumblr fait partie des start-up les plus choyées, ayant levé 125 millions. Il y a deux mois et demi, le site s'est également ouvert à des annonceurs.

Comme plusieurs autres intervenants du secteur technologique à New York, David Karp, le fondateur de la plate-forme de microblogging, attribue une partie du succès de son entreprise à la diversité de l'économie new-yorkaise.

«Nous travaillons à l'ombre de grands groupes médiatiques. Nous travaillons à l'ombre d'une énorme industrie bancaire. Nous travaillons à l'ombre de commerces de tous genres. C'est un environnement qui n'existe pas à Silicon Valley et qui donne aux entreprises technologiques d'ici un nombre infini d'avenues à explorer», a-t-il déclaré.