Est-ce trop cher payé? Les investisseurs paraissent sceptiques quant à la nouvelle aventure hors frontière de Cogeco Câble. Le titre a perdu près de 14,8% de sa valeur, ou 6,60$, dans un fort volume. À un cours de 37,90$, Cogeco Câble efface ainsi tous ses gains de l'année et plus.

Le titre de la société mère Cogeco, qui englobe les stations de radio du groupe, est aussi malmené. Celui-ci baisse de 13,54%, ou 5,74$, à 36,66$, dans un marché boursier par ailleurs stable. L'onde de choc épargne par contre Rogers Communications, dont le titre est pratiquement inchangé (en baisse de 20 cents à 37,81$). L'entreprise torontoise possède 32% de Cogeco Câble et 40% des actions de Cogeco inc., mais cela ne représente qu'une fraction de son actif total.

Malgré les promesses de rendement à long terme, l'analyste Drew McReynolds de RBC Marchés des capitaux voit trois implications négatives à courte échéance. D'abord, une première incursion sur le marché américain est risquée sur le plan opérationnel, note-t-il. Deuxièmement, le marché américain pourrait devenir «une distraction», selon son expression, alors que la concurrence dans le câble s'intensifie au Canada. Et enfin, le risque financier augmente et les fonds générés excédentaires iront au remboursement de la dette plutôt qu'à l'augmentation du dividende, déplore l'analyste.

Une acquisition «coûteuse»

Maher Yaghi de Valeurs mobilières Desjardins aurait lui aussi préféré une augmentation du dividende, l'acquisition d'un centre de données ou une immersion américaine à plus petite échelle.

L'acquisition est «coûteuse» et sans synergie, conclut l'analyste Jeffrey Fan de la Banque Scotia. Les 1,36 milliard US encourus pour Atlantic Broadband représentent 8,8 fois le résultat d'exploitation en 2012 et 8,3 fois celui de 2013 alors que Cogeco Câble se méritait des multiples respectifs de 5,2 et 4,8 fois seulement, auprès des investisseurs avant l'annonce, suivant les calculs de RBC.

Le câblodistributeur québécois paye ainsi près de 5400$ pour chacun des quelque 252 000 clients au service de câble de base de l'entreprise américaine. Dans des transactions récentes, Time Warner Cable a allongé 4418$ par abonné conquis de Insight Communications et WideOpenWest a déboursé 5486$ par client de Knology. Pour la petite histoire, Quebecor avait engagé 3150$ par abonné lors de l'acquisition de Vidéotron, en l'an 2000. Atlantic Broadband offre aussi des services de vidéo numérique, d'internet haute vitesse et de téléphonie en Pennsylvanie, en Floride, au Maryland, au Delaware et en Caroline du Sud.

«L'entreprise a annoncé une autre acquisition-surprise en territoire inconnu, commente Andrew Calder, analyste chez RBC Dominion Securities de Toronto, dans une note à ses clients. Les investisseurs espèrent que les circonstances se révéleront plus favorables cette fois-ci.» Allusion bien sentie à l'échec de Cogeco au Portugal. Plus tôt cette année, Cogeco Câble a revendu pour 59,3 millions sa filiale de câblodistribution Cabovisao acquise pour 660 millions en 2006.

Avant l'annonce de l'acquisition américaine, Cogeco Câble recevait les faveurs de la grande majorité des analystes qui s'y intéressaient. Dix recommandaient l'achat et quatre conseillaient de conserver le titre. Aucun n'était vendeur.

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Profil boursier de Cogeco Câble

Capitalisation boursière

1,8 milliard

Actions à droits de vote multiples (10 votes par action)

15,7 millions

Actions subalternes à droits de vote (1 vote par action)

33,1 millions

Total des actions à droit de vote

48,8 millions

Actions détenues par Cogeco inc., la société mère

Part d'équité

32,2%

Droits de vote

82,6%

Principaux détenteurs des actions subalternes

Rogers Communication

32,3%

Jarilowsky Fraser

13,3%

First Eagle Investment management

0,9%

Résultats financiers

(exercices terminés le 31 août)

2011 2010

Revenus 1,36 milliard 1,28 milliard

Profit d'exploitation 318,8 millions 251,2 millions

Profit net (47,6 millions) 157,3 millions