La crise financière persistante et la mollesse de la croissance nord-américaine continuent de détériorer la santé des régimes de retraite à prestations déterminées (PD) et de grever les liquidités de leurs promoteurs.

Au point où on s'arrache les cheveux parmi les firmes d'actuaires et les organismes de surveillance pour trouver des mesures de mitigation aptes à souffler quelque peu la valeur de l'actif, à dégonfler celle du passif et ou à alléger les obligations de renflouement imposées aux employeurs qui parrainent un régime PD.

«Il n'y a pas de solution facile, sinon tout le monde l'aurait adoptée, résume en entrevue à La Presse Jacques Lafrance, président de l'Institut canadien des actuaires (ICA). Où est l'équilibre entre la sécurité des participants et la santé des entreprises, garante à long terme de la sécurité des participants?»

Quelle que soit la répartition des régimes de retraite, leur rendement au deuxième trimestre a effacé une partie des gains appréciables du premier trimestre.

Chez Towers Watson, on propose aux gros régimes de se lancer dans des placements alternatifs, comme l'immobilier, les placements privés et les infrastructures moins sujets à des soubresauts conjoncturels.

L'incertitude économique qui prévaut pousse néanmoins les détenteurs de capitaux à se réfugier sur le marché obligataire ce qui pousse les taux d'intérêts à la baisse. Or, plus les taux obligataires sont faibles, plus gonfle la valeur des engagements d'un régime envers ses participants.

Quand la valeur du passif dépasse celle de l'actif, le régime est en déficit de solvabilité. Autrement dit, il ne pourrait remplir la valeur de ses engagements en cas de terminaison.

Pour palier cette lacune, un promoteur doit rétablir la solvabilité des régimes par des cotisations supplémentaires.

Malgré d'imposantes cotisations d'équilibre depuis 2008, la solvabilité des régimes PD continue de détériorer.

«Pour les six premiers mois de l'année, le rendement des actifs a été de 2,2% alors que l'augmentation du passif de solvabilité a été de 6,1%», calcule Jean Bergeron, associé chez Morneau Shepell.

Selon la firme Aon Hewitt, le niveau de solvabilité médian des régimes de retraite était de seulement 66% le 30 juin, contre 69% le 31 décembre 2011. Cela signifie qu'en cas de terminaison d'un régime avec pareil taux, la rente des retraités serait ramenée aux deux tiers de sa valeur, tout comme le crédit de rente accumulé des participants actifs.

Depuis le 31 décembre 2009, la croissance médiane de l'actif est de 12% alors que celle du passif a ballonné de 46%, selon les calculs d'Aon Hewitt.

La situation canadienne n'est pas unique, mais les moyens pour contenir l'effort financier des entreprises pour renflouer les régimes varient beaucoup.

Ainsi, au Québec, un régime peut amortir sur dix ans jusqu'à la fin 2013, plutôt que cinq, le rétablissement de sa solvabilité, tout en lissant la valeur de son actif sur les trois dernières années.

Le Danemark, la Suède et désormais les États-Unis ont plutôt choisi de déballonner le passif de solvabilité.

Les États-Unis permettent de prendre le taux d'escompte moyen des 25 dernières années pour mesurer le passif de solvabilité. La mesure est en vigueur jusqu'en 2016.

Toute variation d'un point de pourcentage de la valeur du taux obligataire de référence modifie de 18% la valeur du passif de solvabilité.

Pourrait-elle être répliquée ici? Difficilement: elle est assortie d'une augmentation des cotisations des promoteurs au Pension Benefit Guaranty Corporration (PBGC). Il s'agit d'une cagnotte qui sert à compenser les participants pour le degré d'insolvabilité de leur régime en cas de faillite par exemple. Les employeurs québécois s'opposent à la création d'un fonds de type PBGC.

Lorsque l'ICA a rencontré le comité d'experts chargé d'examiner le système de retraite québécois présidé par Alban D'Amours, ce printemps, il a évoqué la possibilité de prendre le taux des obligations corporatives de première qualité (notées AA ou A) comme étalon pour le calcul de la solvabilité. Cela réduirait la valeur du passif de quelques points de pourcentage. Le hic, c'est qu'il y bien peu d'émetteurs canadiens, hormis les banques et les sociétés ferroviaires, dans cette catégorie de titres, ce qui rend le taux de référence plus volatile.

La taille de l'actif des régimes PD atteint près de 1000 milliards dollars soit près de quatre fois que la valeur des obligations à long terme du Canada. Bref, les régimes se les arrachent en raison de leur sûreté. Cela a pour effet de réduire les taux. C'est un cercle vicieux.

Pour le briser, le Danemark et la Suède ont fixé un taux plancher pour le calcul de la solvabilité. Cela a réduit la demande pour les titres gouvernementaux dont les taux ont augmenté légèrement. Le cercle est devenu vertueux.

La Presse a demandé l'appréciation des initiatives américaine et scandinave par le comité d'experts qui s'est réuni jeudi à Montréal. «Ce serait prématuré, a répondu M. D'Amours. Toutes les hypothèses sont sur la table. Nous cheminons en vue de recommandations au début de l'automne.».

«L'adoption de techniques de lissage est une décision politique et sociale», rappelle pour sa part M. Lafrance.