Comment relancer le secteur des sciences de la vie au Québec? Marc LePage, nouveau PDG de Génome Québec, répond par un plan en deux temps. Un: profiter du contexte difficile en Europe et aux États-Unis pour y débaucher du talent. Deux: mobiliser ce talent autour d'un projet qui marquera les esprits.

Pendant que les financiers de la planète se cassent la tête pour tenter de sauver l'Europe, Marc LePage, lui, réfléchit à la meilleure façon de tirer profit des difficultés du Vieux Continent. Son plan de sauvetage, c'est pour l'industrie québécoise en perte de vitesse des sciences de la vie qu'il le réserve.

«Le malheur des uns fait le bonheur des autres, a-t-il lancé en entrevue à La Presse Affaires. Actuellement, le Québec et le Canada sont vraiment bien positionnés pour tirer profit des difficultés qu'on observe en Europe et aux États-Unis.»

M. LePage observe que les mesures d'austérité ont déjà un impact sur les budgets de recherche des scientifiques européens, et il prévoit que les États-Unis vivront bientôt la même chose. Selon lui, le fruit est mûr pour une solide campagne de «recrutement agressif à l'étranger.

«Aux États-Unis, les chercheurs n'ont pas l'habitude de voir les budgets de recherche diminuer. Ça a un effet psychologique important. On a un pool de gens de talent qui seraient peut-être impossibles à recruter dans des circonstances normales, mais qui pourraient le devenir actuellement», dit-il.

La mission de Génome Québec est de financer les meilleurs projets dans la province en génomique, cette science qui plonge au coeur des gènes pour générer des découvertes dans des secteurs aussi divers que les sciences de la vie, l'environnement ou la foresterie. L'organisme compte jouer son rôle dans ces efforts de recrutement, et invite les universités et les autres acteurs du milieu à mettre la main à la pâte.

Les chercheurs étrangers ne risquent-ils pas d'être rebutés par les fermetures de laboratoires et les abolitions de postes qui se sont multipliées au Québec récemment dans l'industrie pharmaceutique? Non, répond M. LePage, qui soutient que ce sont avant tout les conditions de recherche universitaire qui comptent pour eux, et que les budgets qui y sont consacrés n'ont pas été sabrés au Québec.

Or, si les chercheurs n'ont pas nécessairement besoin d'une industrie vigoureuse pour prospérer, l'inverse n'est pas vrai. «En sciences de la vie, il n'y a pas d'industrie sans excellence universitaire. On peut lancer une entreprise web dans son garage, mais à peu près toutes les découvertes pharmaceutiques tirent leur origine de la science universitaire», dit M. LePage, qui observe une corrélation directe entre les villes qui font de la bonne science et celles qui possèdent une industrie des sciences de la vie dynamique.

Un projet mobilisateur

Pour attirer les chercheurs étrangers, mais aussi pour stimuler les nôtres et relancer l'industrie québécoise, Marc LePage propose une deuxième phase à son plan: lancer un projet mobilisateur à grande échelle, sur plusieurs années, dans un secteur d'activité ciblé.

Celui qui a déjà été consul général du Canada à San Francisco dit tirer ici son inspiration du California Institute for Regenerative Medicine, une initiative votée par référendum populaire en Californie en 2004 et qui se voulait à l'époque un pied de nez à la décision de l'ancien président George W. ush de stopper le financement de la recherche sur les cellules souches.

Les Californiens ont voté pour que leur gouvernement débloque 3 milliards de fonds publics pour soutenir la recherche sur les cellules souches, avec une orientation claire sur les débouchés et la découverte de médicaments. Le plan prévoit attirer 3 milliards de plus du secteur privé.

«Aujourd'hui, quand on pense à la Californie, on pense aux cellules souches. C'est ce que je voudrais pour le Québec: un projet avec une thématique claire et une garantie de financement à long terme. Ça éviderait le saupoudrage, ça permettrait d'atteindre une masse critique dans un créneau d'excellence et ça créerait un branding pour le Québec», dit M. LePage.

Selon lui, l'argent public investi dans un tel projet finirait par être remboursé lorsque le privé, attiré par les découvertes, sauterait dans mêlée. Il croit que la médecine personnalisée, la neuroscience liée au vieillissement et les maladies infantiles sont des secteurs où le Québec possède une expertise qui pourrait être catalysée par un tel projet.