Une rare lettre autographe en anglais de Napoléon a été adjugée dimanche 325.000 euros (419 000 $). Ecrite le 9 mars 1816 sur l'île de Sainte-Hélène dans un anglais hésitant, la missive a été acquise par le Musée des lettres et manuscrits à Paris.

Clou attendu de la dispersion consacrée à plusieurs belles pièces de la période Empire, la lettre adressée par Napoléon à son compagnon d'exil, le comte Emmanuel de Las Cases, a pulvérisé son estimation haute à 80 000 euros (103 000 $). Le document historique a par ailleurs donné lieu a une belle bataille d'enchères, d'abord dans la salle puis au téléphone.

«De nombreux collectionneurs privés ont très vite fait monter les enchères, mais au final, nous sommes ravis que cette pièce historique unique à plus d'un titre reste en France et de surcroît dans un musée, donc accessible au grand public», a confié à l'Associated Press Jean-Christophe Chataignier, responsable du département Empire à la maison de ventes Osenat.

Seules trois lettres écrites en anglais par Napoléon sont répertoriées dans le monde, dont l'une est aux archives de la Bibliothèque nationale de France. L'exemplaire adjugé dimanche est remarquable, car il témoigne de la persévérance avec laquelle l'ancien empereur des Français s'est attelé à l'apprentissage de l'anglais, la langue de ses geôliers, à partir de janvier 1816.

Historiens et biographes s'accordent à dire que ce sont autant l'orgueil de comprendre la langue de ses gardiens, que la volonté inflexible de savoir ce qu'on disait de lui tant dans la presse locale (anglophone) de Sainte-Hélène que dans les dépêches provenant de Londres et de partout en Europe, qui ont poussé l'empereur en disgrâce à s'atteler à l'apprentissage de la langue de Shakespeare.

Et la tâche fut rude. Las Cases en témoigne dès janvier 1816: Napoléon «est venu à remarquer qu'il était honteux qu'il ne sût pas encore lire l'anglais», écrit ce fidèle dans son «Mémorial de Sainte-Hélène», soulignant qu'après quinze jours de cours assidus, son illustre élève faisait «tantôt preuve d'une ardeur admirable, tantôt d'un dégoût visible».

Un mois plus tard, en dépit de ses difficultés à mémoriser et de blocages manifestes à appréhender la grammaire, Napoléon travaillait son anglais de trois à cinq heures par jour, d'où en toute logique, des progrès qui le «réjouissaient tel un enfant», écrit encore le comte de Las Cases.