Décidément, il n'y a que la Banque du Canada qui songe encore à augmenter son taux directeur. Les autres l'abaissent, quand cela est encore possible, ou envisagent des mesures de détente quantitative quand leur taux est déjà au plancher.

Après l'Australie plus tôt cette semaine, c'est la Banque populaire de Chine (BPdC) qui est passée à l'action hier en diminuant, pour la première fois depuis 2008, de 25 centièmes son taux directeur qui porte sur les prêts d'un an. Le taux de 6,56%, en place depuis juillet 2011, passe à 6,31%.

La BPdC abaisse aussi le taux officiel sur les dépôts d'un an qui passe de 3,5% à 3,25%.

Cette détente n'est pas vraiment étonnante, compte tenu des signes de ralentissement qui se multiplient dans la deuxième économie du monde dont 30% est assuré par le secteur manufacturier qui pâtit de la récession européenne, son premier débouché.

L'annonce d'une libéralisation du secteur bancaire a surpris davantage. Les banques pourront désormais offrir un escompte de 20% sur le taux officiel des prêts, alors que la limite était jusque-là de 10%. Surtout, elles pourront désormais offrir une prime allant jusqu'à 10% sur le taux officiel des dépôts.

Elles pourront ainsi offrir un rendement de 3,575%, soit davantage que le taux officiel avant la baisse. L'objectif est d'attirer les épargnants, mais l'effet pervers pourrait être de gruger les marges bénéficiaires, vu la concurrence accrue sur les prêts. «C'est très risqué dans un contexte de ralentissement économique, fait observer Yao Wei, économiste de Société Générale. La libéralisation est en fait plus significative que la baisse des taux.»

Beaucoup d'observateurs pensent que Pékin voulait agir avant la sortie, ce week-end, de données économiques qui s'annoncent relativement mauvaises. On s'attend à une expansion aux environs de 7%, contre 8,1% au premier trimestre.

Volonté de bouger ailleurs

La Banque d'Angleterre (BdA) aimerait bien faire quelque chose pour ranimer l'économie du Royaume-Uni, plongée en récession et aux prises avec un éprouvant programme d'austérité budgétaire. Sauf que l'inflation est tenace à 3%, même si la hausse des prix ralentit quelque peu. Voilà pourquoi la BdA s'est contentée hier de reconduire son taux directeur à 0,5%, en place depuis plus de trois ans. Elle n'a pas augmenté non plus son programme d'assouplissement quantitatif de 325 milliards de livres, mais pourrait le faire cet été, si l'inflation se rapproche de sa cible de 2%.

C'est aussi avec cette possibilité que jongle la Réserve fédérale américaine. Son Opération Twist, qui consiste depuis l'automne à troquer des titres de courte échéance contre d'autres de plus longue échéance afin d'en infléchir les taux, prend fin ce mois-ci.

Le Comité de politique monétaire se réunit le 20 juin, mais ses membres paraissent divisés sur la marche à suivre.

Hier, son président Ben S. Bernanke, qui comparaissait devant le comité économique du Congrès, n'a donné aucune indication précise. Il a toutefois affirmé que la croissance américaine était menacée par la crise européenne et par les mesures d'austérité fiscale qui doivent entrer en vigueur le 1er janvier, vu l'incapacité du Congrès de les reconfigurer.

En zone euro, le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi a affirmé mercredi que la décision de reconduire le taux directeur à 1% avait été prise à la majorité, certains prônant une baisse. Cela a animé la spéculation sur les marchés qu'une réduction est dans les cartes cet été.

Cette perspective de dopage par les banquiers centraux a détendu quelque peu les marchés obligataires. L'Espagne a ainsi pu emprunter 2 milliards d'euros hier. Son ministre du budget Cristobal Monroso avait semé l'émoi en début de semaine en déclarant que Madrid n'avait plus accès aux marchés pour se financer. Les taux consentis sont cependant élevés, atteignant 6,044% pour l'échéance de 10 ans. (Québec a consenti 3,06% pour la même échéance hier, l'Ontario, 2,833%.)

Les prêteurs ont avant tout été les banques espagnoles que Madrid doit renflouer par ses propres emprunts, car elles auraient 184 milliards de créances immobilières problématiques...

La France a eu plus de veine en consentant un taux de 2,46%, pour des emprunts de 7,84 milliards d'euros, le plus faible en 13 ans.