Le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi a appelé jeudi les responsables européens à ne pas relâcher leurs efforts de redressement budgétaire, condition essentielle pour ramener la croissance, qui doit revenir «au centre de l'agenda».

Réuni ce mois-ci hors les murs à Barcelone, le conseil des gouverneurs a maintenu son principal taux directeur à 1%, son plus bas historique retrouvé en décembre. À ses yeux la politique monétaire menée actuellement est «accommodante», ce qui dans son vocabulaire signifie que son taux d'intérêt ne bougera pas pendant quelque temps.

M. Draghi n'a par ailleurs rien annoncé de nouveau en terme de mesures anti-crise tout en jugeant une nouvelle fois «prématuré» leur abandon, réclamé depuis le début de l'année par la Banque centrale allemande notamment.

Pourtant, pour certains analystes la situation actuelle aurait mérité une nouvelle intervention de la BCE, qui n'a pas ménagé sa peine depuis le déclenchement de la crise financière pour tenter de préserver la zone euro.

Mais l'institution monétaire de Francfort estime qu'elle en a assez fait pour l'instant, avec ses prêts illimités et bon marché aux banques de la zone euro pour éviter un effondrement du crédit et son programme de rachat d'obligations publiques sur le marché secondaire afin de tenter de juguler l'envolée des taux consentis par certains pays.

L'émission de jeudi de l'Espagne, la première depuis la dégradation de deux crans de sa note souveraine par Standard & Poor's, s'est soldée par des taux en hausse, mais avec cependant une demande forte des investisseurs.

M. Draghi n'a pas évoqué l'éventualité d'un nouveau LTRO (prêt sur trois ans aux banques), estimant que les effets du deuxième, en février, n'avaient pas encore pu être analysés. Quant aux rachats d'obligations, en sommeil depuis début février, la mesure existe», s'est-il contenté de répondre.

Il s'est en revanche montré beaucoup plus loquace concernant le «pacte de croissance» qu'il préconise.

Mais il a surtout insisté sur les devoirs des dirigeants de la zone euro à poursuivre le redressement de leurs finances, tel que décidé avec l'adoption d'un «pacte budgétaire», alors que ces derniers sont de plus en plus nombreux à appeler de leurs voeux la fin de l'austérité à tous crins qui s'est traduite pour l'heure dans certains pays par l'aggravation de la récession et du chômage.

«Nous devons remettre la croissance au centre de l'agenda» européen, a-t-il dit. Pour aussitôt ajouter qu'à ses yeux cette croissance ne devait pas être synonyme de programmes de relance et de dépenses supplémentaires.

«Arrêter le redressement des comptes publics ne serait pas d'une grande aide», a-t-il mis en garde, préconisant en revanche de «faciliter les activités des entrepreneurs», jugeant que «la création de nouvelles entreprises et la création d'emplois sont cruciales».

Il faut «accroître la flexibilité, accroître la mobilité et, troisièmement, également accroître la justice sur le marché du travail», a-t-il ajouté, en référence au chômage des jeunes et aux différents statuts entre travailleurs protégés et ceux qui ne le sont pas.

«Nous avons noté que des progrès sont faits dans beaucoup de pays, mais plusieurs gouvernements doivent être plus ambitieux», a-t-il ajouté.

Une manière de signifier que «la BCE n'hésiterait pas à accompagner et adoucir le processus d'ajustement, mais que les gouvernements nationaux doivent s'atteler les premiers au sale travail», estime Carsten Brzeski, économiste d'ING.

Le patron de la BCE, prenant acte de la détérioration économique ces dernières semaines, a par ailleurs laissé entendre une possible révision de ses prévisions de croissance lors de sa prochaine réunion, en juin.

«Les derniers indicateurs disponibles pour la zone euro soulignent que l'incertitude prédomine» même si «en regardant plus loin, l'activité économique devrait peu à peu se reprendre au cours de l'année», a-t-il dit.

La BCE table jusqu'ici sur un recul du Produit intérieur brut de 0,1% cette année et une croissance de 1,1% en 2013 en zone euro.