D'ici la fin de l'année, la Banque du Canada va méthodiquement préparer le terrain à une normalisation de son taux directeur, fixé au taux exceptionnellement faible de 1% depuis septembre 2010.

Il faudra surveiller le libellé du communiqué annonçant demain qu'elle le reconduit à nouveau. Dans celui du 8 mars, on pouvait déjà lire que «l'évolution récente donne à penser que les perspectives de l'économie canadienne se sont légèrement améliorées» et que «le profil de l'inflation mesurée par l'indice de référence et par l'IPC global est un peu plus ferme qu'on ne l'anticipait précédemment». Depuis la mi-janvier, quand est paru le plus récent scénario économique de la Banque, beaucoup de données ont permis de constater que l'économie canadienne se porte un peu mieux qu'on l'estimait précédemment. Son nouveau scénario qui sera détaillé mercredi dans la nouvelle mouture du Rapport sur la politique monétaire devra refléter cette nouvelle donne.

La croissance au dernier trimestre de 2011 a certes été conforme à sa prévision de 1,8% en rythme annualisé. Toutefois, Statistique Canada en avait aussi profité pour réviser nettement à la hausse l'expansion de l'économie au cours de l'été. Au bout du compte, la Banque est forcée de constater que l'économie aura atteint son plein potentiel de croissance un peu plus tôt que durant l'été 2013, comme elle l'estimait en janvier.

Plus tôt ce mois-ci, les données sur le marché du travail ont montré qu'il avait davantage de tonus que ce qu'on avait perçu durant tout l'automne et le début de l'hiver. Le taux de chômage de 7,2% en mars est le plus faible du présent cycle.

Son enquête trimestrielle sur les perspectives des entreprises a montré qu'une majorité d'entre elles s'attendent désormais à enregistrer des ventes plus élevées au cours de l'année que durant les 12 mois précédents.

Hausse des prix

Cela va nourrir la hausse des prix qui, sans être alarmante, est légèrement plus soutenue que ce que les autorités monétaires envisageaient. Son indice de référence trotte au rythme moyen de 2,1% depuis maintenant six mois, ce qui ne peut s'expliquer par la poussée du prix de l'essence puisqu'il en est exclu.

La Banque est aussi préoccupée par le niveau élevé d'endettement des ménages qui à ses yeux «demeure le principal risque interne». La faiblesse des taux d'intérêt les incite à emprunter davantage au point où un dixième d'entre eux sont déjà à risque, en cas de leur normalisation.

Resserrer les critères

Sur ce front heureusement, la surintendante des institutions financières Julie Dickson épaule l'équipe de Mark Carney. Elle entend exiger des banques qu'elles resserrent leurs critères d'octroi de prêts hypothécaires. De son côté, le ministre des Finances Jim Flaherty a déjà indiqué que le plafond de 600 milliards des garanties de prêts autorisées par la Société canadienne d'hypothèques et de logement ne serait pas relevé. Cela pourrait conduire l'institution à resserrer ses conditions d'acceptation de garantir un prêt accordé par une institution financière.

La Banque est un peu prise en tenailles.

D'une part, les conditions internes justifieront avant longtemps des hausses de taux, avec pour fâcheux résultat de renforcer la valeur du dollar canadien que d'aucuns jugent déjà surévalué. À ses yeux, c'est toutefois un moindre mal si un resserrement monétaire assure la solidité du système financier canadien et freine la montée des prix.

D'autre part, les risques internationaux qu'on voyait s'atténuer depuis le début de l'année ont encore du ressort. La croissance américaine reste molle et 2013 sera marqué par une ponction fiscale qui l'entravera. La crise européenne est certes contenue, mais pas du tout résolue. Les difficultés éprouvées par l'Espagne et l'Italie à se refinancer en témoignent.

Et puis, il y a la Chine dont la croissance ralentit un peu plus vite qu'anticipé.

Tout bien compté, la Banque a tout intérêt à durcir quelque peu le ton tout en s'accrochant patiemment au statu quo, le temps d'y voir un peu plus clair.