Quelques caries après avoir mangé trop de chocolat, une dent brisée, une infection... Il suffit de peu de chose pour qu'une facture de soins dentaires atteigne quelques milliers de dollars. Face à de tels coûts, les consommateurs auraient tout intérêt à mieux se renseigner sur les frais exigés par leur dentiste et à magasiner, si nécessaire.

Franck Vassaux est resté bouche bée lorsque son dentiste lui a expliqué les traitements dont ses dents avaient besoin: il y en avait pour 10 000$! L'informaticien de 29 ans avait négligé sa dentition ces dernières années, mais jamais il ne s'attendait à une telle facture pour réparer quatre dents mal en point. «J'ai eu un choc, raconte-t-il. Je croyais que ça serait 10 fois moins cher.»

Plombages, traitements de canal, couronnes... Tous ces traitements sont coûteux. Le jeune homme a la chance d'avoir une assurance collective qui rembourse certains frais dentaires. Mais il ne peut réclamer plus de 2000$ par année. «J'aurais les moyens de payer, mais je trouve que c'est exagéré de dépenser mes économies de toute une année pour quatre dents», dit-il.

Lorsque les gens disent qu'ils ont peur du dentiste, peut-être craignent-ils sa facture plutôt que ses instruments. Le coût des traitements atteint facilement plusieurs centaines de dollars, voire quelques milliers. Pour ajouter à la consternation des patients, les frais peuvent varier d'un dentiste à l'autre. Quelques appels dans des cliniques dentaires de la région de Montréal permettent de constater qu'un premier rendez-vous peut coûter de 165$ à 275$, pour un examen, un nettoyage, un détartrage et des radiographies, s'il n'y a pas de problème majeur.

À cause des coûts élevés, bien des consommateurs négligent de faire soigner leurs dents: 40% des adolescents et des adultes québécois n'avaient pas consulté de dentiste depuis plus d'un an, en 2008, selon un rapport du ministère de la Santé et des Services sociaux. «Les frais dentaires sont certainement une barrière à l'accessibilité des soins, et c'est l'une des raisons qui expliquent que la santé dentaire des Québécois ne s'améliore pas», souligne le Dr André Lavallière, président de l'Association des dentistes en santé publique du Québec. «C'est vrai que ça coûte cher et que certaines personnes ont de la difficulté à se payer nos services, reconnaît le président de l'Ordre des dentistes du Québec (ODQ), le Dr Barry Dolman. Mais il faut penser qu'un bon traitement dure toute la vie.»

Le juste prix

On comprend bien sûr l'importance de bons soins pour garder nos dents en santé. Mais comment les consommateurs peuvent-ils s'assurer de payer le juste prix pour les services qu'ils reçoivent? Les dentistes n'affichent pas, comme les garagistes, leur taux horaire et le coût des pièces qu'ils remplacent. Il existe bien un Guide des tarifs, publié chaque année par l'Association des chirurgiens dentistes du Québec (ACDQ). Mais, en raison de sa complexité, ce document n'est pas destiné au public, même si on peut le consulter aux Archives nationales du Québec. De plus, les dentistes ne sont pas tenus de suivre les suggestions du guide; ils sont libres de déterminer leurs honoraires.

Pour ajouter à la complexité de l'affaire, les dentistes spécialistes, comme les endodontistes (spécialistes des traitements de canal) ou les prosthodontistes (couronnes et ponts), ont des tarifs plus élevés. Les dentistes leur confient les cas les plus compliqués. «C'est sûr que c'est difficile pour les consommateurs de s'y retrouver et de connaître les prix, parce qu'ils n'ont pas de base de référence», avoue le président de l'ACDQ, le Dr Serge Langlois.

Comment procéder alors? Téléphoner un peu partout et choisir la clinique proposant les meilleurs prix? Le Dr Langlois recommande plutôt de demander des références à sa famille et ses amis. Les consommateurs ne doivent pas hésiter à poser des questions à leur dentiste sur ses tarifs, ajoute le Dr Barry Dolman. Il rappelle que le dentiste, avant de poser un acte, doit fournir au patient un plan de traitements donnant un aperçu des coûts. «Pour des traitements importants, il peut être justifié de demander une deuxième opinion, dit le président de l'ODQ, dont le mandat est de protéger le public. L'essentiel, c'est de se sentir en confiance.»

Environ le tiers des Québécois détient une assurance collective qui couvre les soins dentaires. Mais eux aussi ont intérêt à surveiller les frais: les assureurs remboursent les services reçus en se basant sur le guide de l'ACDQ. Si leur dentiste réclame un tarif plus élevé, les consommateurs assurés doivent payer la différence.

Les dentistes ont le champ libre pour exiger les frais qu'ils veulent en raison de leur monopole sur les soins dentaires, souligne le Dr André Lavallière. «L'exercice de la dentisterie se fait presque exclusivement à l'intérieur des cabinets privés, note-t-il. Les dentistes cherchent à conserver ce modèle de soins, mais ça porte préjudice à la population.»

Les hygiénistes dentaires du Québec réclament depuis plusieurs années le droit d'ouvrir des cabinets privés, indépendants de ceux des dentistes, pour offrir des soins préventifs à la population, comme cela se fait dans le reste du Canada (voir autre texte). «Il n'y a pas de concurrence dans le domaine dentaire actuellement, et c'est néfaste pour la population parce que ça fait augmenter les prix», soutient Diane Duval, présidente du Regroupement des hygiénistes dentaires du Québec (RHDQ).

Tourisme dentaire

En attendant, certains patients qui, comme Franck Vassaux, font face à des factures astronomiques, songent à se faire soigner les dents à l'étranger. «J'ai des amis, français comme moi, qui se sont fait traiter en Estonie ou en Tunisie,» dit le jeune homme. Au Québec, la firme Services santé international (SSI), spécialisée dans les voyages de tourisme médical à Cuba, reçoit beaucoup d'appels de consommateurs qui veulent réduire leur facture de soins dentaires. «Les frais dentaires à Cuba sont environ la moitié de ce qu'on paie ici», dit le président de SSI, Alain Leclerc.

Depuis quelques années, l'agence avait cessé d'envoyer des clients vers les dentistes cubains, qui peinaient à répondre à la demande et devaient annuler des rendez-vous. Mais le service est sur le point de reprendre, indique M. Leclerc, qui fait actuellement des vérifications pour s'assurer que les soins sont mieux organisés dans les cliniques cubaines.

Plus près de nous, les facultés universitaires de médecine dentaire offrent à la population des soins à moitié prix. Par exemple, la clinique dentaire de l'Université de Montréal recherche particulièrement des patients ayant besoin d'un traitement de canal, d'un pont ou d'une prothèse complète pour parfaire la formation des étudiants. Pour ces cas, des rendez-vous sont offerts en trois ou quatre semaines.

Mais la solution la plus économique, selon le Dr Barry Dolman, c'est l'usage quotidien de la soie dentaire. «Ça ne coûte presque rien, ça garde les dents et les gencives en santé et ça permet d'éviter la carie. Pourtant, seulement 30% des Québécois en font usage,» déplore le président de l'Ordre des dentistes. Voilà une façon toute simple de vraiment réduire sa facture.

COÛTS DES SOINS DENTAIRES (Basé sur l'édition 2012 du Guide des tarifs de l'ACDQ)

Examen complet, plus nettoyage, détartrage et radiographies: 164$ à 209$

Coût supplémentaire pour une radiographie panoramique: 65$

Obturation (plombage) - une seule surface pour une molaire (le coût augmente avec le nombre de surfaces à traiter):

- En amalgame (gris): 67$

- en composite (blanc): 104$

Extraction simple d'une dent: 101$

Extraction chirurgicale d'une dent (ex. dent de sagesse): 163$ à 349$

Traitement de canal (un canal): 431$

Couronne: 726$ + frais de labo

Pour tous les soins, les prix augmentent selon la complexité de l'intervention. Lorsque les soins sont rendus par un spécialiste, les prix sont plus élevés. Pour les enfants de moins de 10 ans, la majorité des soins (sauf les soins préventifs comme le nettoyage) sont couverts par la Régie de l'assurance maladie du Québec.