Multiplicité des organismes d'aide, éparpillement des ressources et problèmes chroniques de productivité de la main-d'oeuvre expliquent la performance décevante de Montréal sur le plan de la croissance économique depuis la récession de 2008.

Ces constats émanent d'un document de réflexion présenté à la Commission permanente sur le développement économique et urbain et l'habitation le 13 mars dernier. La commission de l'agglomération de Montréal entame un examen public des mesures mises de l'avant au à l'échelle locale pour stimuler l'activité économique.

Les rencontres auront lieu les 11 et 12 avril prochain. Développement économique Saint-Laurent (DÉSL) a indiqué qu'il déposera un mémoire. DÉSL joue le rôle de commissariat industriel de l'arrondissement du même nom, coeur manufacturier de l'île avec 106 000 emplois industriels et commerciaux.

Éparpillement des ressources

Le document démontre que près de 1400 personnes se partagent un budget de 36 millions voués au développement économique, à l'entrepreneuriat et à la promotion au sein d'une multitude d'organismes situés dans l'île de Montréal. Du nombre de ces organisations, on compte les centres locaux de développement (CLD), une création de Québec, les sociétés d'aide aux jeunes entrepreneurs (SAJE), financées par Ottawa, les chambres de commerce, les centres jeunesse emploi, autre création de Québec, ainsi qu'une kyrielle d'organismes à but non lucratif, souvent financés par Québec ou par la Ville. De plus, 182 fonctionnaires du gouvernement du Québec et 30 personnes au sein d'Industrie Canada et de Développement économique Canada travaillent au mieux-être de l'entreprise.

Depuis une dizaine d'années, cet éparpillement est régulièrement montré du doigt par diverses études comme étant une source de dysfonctionnement. En 2004, c'était au tour de l'Organisation de coopération de développement économique (OCDE). «Le manque d'intégration entre les acteurs-clés de l'économie régionale et la redondance des interventions empêchent Montréal d'exploiter pleinement les avantages techniques et humains de la région», reprochait l'organisme international à l'époque. La situation n'a guère changé depuis.

Un exemple: à Toronto ou à Québec, il y a un plan et une vision du développement économique. De son côté, Montréal compte sur un plan de développement économique, préparé par la Commission métropolitaine de développement, une stratégie de développement économique, fruit de la Ville de Montréal, et 18 plans d'action locaux pour l'économie et l'emploi (PALÉE).

Le document soumis à la consultation cite d'ailleurs le succès obtenu par la Ville de Québec en exemple. Dans la foulée des fusions municipales, on y a procédé, semble-t-il, à un regroupement des forces. La piste de solution ne convainc pas le directeur général de DÉSL à qui on a demandé un avis sur le sujet.

«Montréal et Québec sont deux réalités bien différentes. On ne peut pas faire un copier-coller de Québec à Montréal, dit Daniel Dicaire. Il reste qu'il faut être prudent avec la multiplication des organismes. Faisons un meilleur effort de coordonner et de concertation de toutes ces belles organisations», suggère-t-il.

Montréal a besoin d'un nouveau souffle. La région tire la patte depuis la récession de 2008. La région crée moins d'entreprises proportionnellement que le reste de la province. Sa croissance démographique est freinée par l'exode de milliers de jeunes ménages vers les banlieues de l'extérieur de l'île. Le taux de diplomation de la main-d'oeuvre reste moindre qu'ailleurs, ce qui plombe sa productivité.

Ça ne veut pas dire que tout va mal. Dans l'arrondissement Verdun, la décennie 2000 en a été une de renaissance économique.

«Il y a 20 ans, Verdun était le deuxième quartier comptant le plus d'assistés sociaux. Ce n'est plus le cas. Vous devriez voir les 25-35 ans qui nous arrivent du Plateau-Mont-Royal depuis 2005», dit Alain Laroche, commissaire au développement local pour l'arrondissement de Verdun. Bon an mal mal, 20 entrepreneurs se lancent en affaires chaque année. On y dénombre 1300 entreprises, dont 93% dans le secteur des services.

Pour sa part, Saint-Laurent réussit à composer tant bien que mal avec le déclin structurel de l'activité manufacturière. Ses quelque 5000 entreprises ont investi pas moins de 678 millions en 2011, dont 341 millions en R&D. Néanmoins, les emplois ont reculé de près de 5%.

Autre signe inquiétant, la part de l'agglomération de Montréal dans les immobilisations ne cesse de baisser depuis 10 ans. En 2000, près de 32% des immobilisations du Québec étaient situées dans l'île de Montréal. Onze ans plus tard, la proportion a glissé à 19%.

---------------------

Moins d'argent pour les PME

Les centres locaux de développement de Montréal (CLD) reçoivent 21% de l'enveloppe totale accordée par Québec aux CLD de la province, même si elle représente 34% des emplois de la province, 36% de son PIB et 25% de sa population.

- Les CLD offrent des services de soutien et du financement aux petites entreprises et aux entreprises en démarrage. Au total, Québec verse 60 millions par année aux CLD, dont 12,7 millions aux 18 CLD et mandataires CLD de l'île de Montréal.

- Cette iniquité a été mise en lumière dans un rapport de la firme Raymond Chabot Grant Thornton préparé à l'intention des CLD montréalais. Le rapport souligne également le déséquilibre existant entre les budgets des CLD de l'ex-ville de Montréal et ceux des ex-banlieues. L'écart persiste encore pour six CLD aujourd'hui, note le document soumis à la consultation publique.