Dans une annonce fort attendue, le gouvernement du Canada ouvre toute grande la porte à la propriété étrangère pour les plus petits fournisseurs de service sans fil: dorénavant, il n'y aura plus de limite pour les entreprises qui détiennent moins de 10% de parts de marché.

Les règles actuelles limitent à 46% la propriété étrangère dans le secteur des télécommunications.

L'absence de contrainte à la propriété étrangère continuera de s'appliquer même lorsque cette entreprise dépassera les 10% de parts de marché, à la condition que cette croissance se fasse de façon organique. Ainsi, l'exemption ne tiendra plus si la croissance est le résultat d'acquisitions ou de fusions. L'objectif est de permettre aux petits acteurs d'avoir accès à des sources de capitaux dont elles ont besoin pour soutenir la concurrence des trois grands au pays: BCE, TELUS et Rogers.

Le ministre de l'Industrie, Christian Paradis, a annoncé cette disposition dans le cadre de la divulgation des règles qui régiront la prochaine mise aux enchères de spectre de super qualité de 700 MHz, une fréquence autrefois réservée à la télé analogique. Les enchères se dérouleront au premier semestre de 2013. D'autres enchères, de spectre 2500 MHz, suivront en 2014.

Cette annonce était fort attendue par les entreprises de sans-fil, en raison de la grande qualité de cette fréquence qui permet aux ondes de franchir de plus grandes distances et d'entrer plus aisément à l'intérieur des gratte-ciel des centres-ville.

L'avenir est en effet aux transferts de données grâce à la popularité croissante des téléphones intelligents et des tablettes numériques, que ce soit pour regarder des vidéos, des films en haute définition sur les réseaux mobiles, ou pour profiter d'applications évoluées, en cybersanté par exemple.

Enchères plafonnées

Le gouvernement a finalement fait son choix en choisissant une formule de plafonds sur la quantité de fréquences que peut se procurer un acheteur. Dans chacune des 14 zones du pays, les plafonds feront en sorte qu'au moins quatre fournisseurs de services obtiendront des blocs de fréquences. L'objectif est de permettre aux nouveaux venus, de même qu'aux fournisseurs régionaux, d'acquérir des fréquences de premier ordre lors de ces enchères.

Le gouvernement obligera par ailleurs les titulaires de fréquence à déployer des services dans les régions rurales.

«Les mesures que je présente aujourd'hui assureront aux familles canadiennes, dont celles vivant en milieu rural, la disponibilité en temps opportun de services sans-fil de calibre mondial, à bas prix», a déclaré le ministre, par voie de communiqué, publié après la fermeture des marchés boursiers, étant donné l'importance stratégique de l'annonce.

Selon Johanne Lemay, coprésidente de la firme Lemay-Yates Associés, les choix du gouvernement devraient satisfaire à la fois petits et grands acteurs du sans fil au pays. Les plus petits comme WIND Mobile, Public Mobile, Mobicity pourront trouver plus facilement les capitaux pour financer l'achat de fréquences de grande qualité, tandis que les grands ont le loisir d'acquérir leur bloc de fréquences de prédilection.

«Un bémol, toutefois, le plafond imposé ne permettra peut-être pas de déployer la pleine vitesse qu'on aurait pu vouloir déployer autrement», fait remarquer Mme Lemay. Pour faire image, c'est comme si on donnait la possibilité aux Canadiens de rouler en Ferrari, mais sur une autoroute à une ou deux voies, mais pas beaucoup plus.

Le ministre Paradis a également indiqué qu'Ottawa prolongera les dispositions obligeant les fournisseurs à ouvrir leur réseau aux tiers. Il en profitera également pour contraindre les sociétés à partager les antennes et ainsi limiter leur prolifération dans le paysage. Finalement, certaines fréquences seront réservées aux pompiers et policiers.

Lors de la précédente vente aux enchères, en 2008, Ottawa avait récolté un butin de 4,25 milliards de dollars. Le gouvernement avait alors fait le choix de réserver certains blocs de fréquences aux nouveaux venus. Selon Ottawa, leur arrivée a contribué à faire diminuer de 10% les tarifs des services mobiles.

BCE a dit hier qu'il ne commenterait pas immédiatement la décision gouvernementale. Les autres fournisseurs ne nous ont pas rappelé.

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Des cartes dans le jeu de Vidéotron

En ouvrant le capital des petits acteurs à la propriété étrangère et en plafonnant les enchères, Ottawa vient de distribuer des cartes dans le jeu de Vidéotron, un nouveau venu dans le sans-fil détenant moins de 10% du marché canadien. Jusqu'à maintenant, Quebecor Media, propriétaire de Vidéotron, a mis de l'avant une stratégie qui fait du sans-fil, service de plus dans le cadre d'une offre intégrée comprenant le câble et la téléphonie résidentielle. Mais l'annonce d'hier ouvre très certainement de nouvelles perspectives pour l'entreprise québécoise, convient Johanne Lemay. «Vidéotron, par exemple, pourrait séparer son service mobile si elle voulait devenir un joueur pancanadien. Cette entité mobile séparée pourrait même compter sur un partenaire étranger comme actionnaire majoritaire. Ce n'est pas impensable, par contre ça n'a pas été du tout l'approche retenue par Vidéotron jusqu'à maintenant», fait valoir l'analyste du secteur des télécommunications. L'essaimage de sa division sans fil et l'arrivée d'un investisseur étranger donneraient l'occasion à la Caisse de dépôt, qui détient 45,3% de Quebecor Media depuis 2000, de monétiser son placement controversé, en tout ou en partie.