Champlain, Turcot, Mercier... Les automobilistes n'ont pas fini de rager contre les embouteillages dans la région montréalaise. Mais pour les annonceurs, qui affichent leurs produits sur des panneaux de plus en plus sophistiqués, cette congestion chronique représente une occasion en or.

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«On ne peut pas zapper l'affichage, lance Luc Sabbatini, président d'Astral Affichage. Quand on est arrêté pendant deux minutes au coin de l'autoroute 15 et de la sortie Côte-Vertu et qu'on a un panneau numérique d'affichage, il n'est pas agressant, mais on va voir les pubs qui sont dessus. Et plus on passe de temps en auto, plus on va voir d'affichage.»

Selon une étude de Statistique Canada publiée en 2010, l'aller-retour quotidien entre la maison et le travail dure en moyenne 76 minutes dans la métropole. Le quart des automobilistes montréalais reste coincé chaque jour dans des bouchons.

Ce constat - enrageant pour les conducteurs - a contribué à l'essor surprenant d'Astral Affichage au cours des dernières années à Montréal, Toronto et Vancouver. Les revenus de cette division d'Astral Média ont progressé de 14,8% en moyenne depuis cinq ans. Au premier trimestre de l'exercice 2012, ils ont grimpé de 13% (à 29 millions de dollars), tandis que le chiffre d'affaires a crû de 3% dans le secteur de la télévision et qu'il a reculé de 4% dans celui de la radio.

Luc Sabbatini, à la barre du groupe depuis 2007, s'attend à une croissance «dans les deux chiffres» du secteur de l'affichage en 2012. Et il se montre très optimiste pour les années à venir (la firme PricewaterhouseCoopers prévoit une progression moyenne des revenus de 6,4% dans l'industrie pour la période 2011-2015). Une performance liée de près à la congestion routière...

«On regarde ce qui va se passer avec les travaux routiers à Montréal, l'échangeur Turcot, le pont Champlain, c'est sûr qu'il va continuer à y avoir beaucoup de circulation pour les 5 à 10 prochaines années», fait-il valoir en entrevue dans son bureau du centre-ville de Montréal.

Le dirigeant affirme ne pas se réjouir du malheur des automobilistes, mais reconnaît que «ça fait [son] affaire, c'est certain».

Des panneaux high-tech

L'affichage en bordure des axes routiers - que se disputent Astral, CBS et Pattison - a beaucoup évolué au cours des dernières années au pays. Les panneaux-réclames traditionnels sont encore nombreux, mais depuis 2009, Astral a installé 13 panneaux numériques à Montréal, 17 à Toronto et 9 à Vancouver.

Ces écrans géants présentent en boucle 6 messages de 10 secondes, 24 heures sur 24. Selon Astral Affichage, ces messages interactifs permettent de rejoindre un auditoire quotidien de 1,2 million de personnes seulement dans le Grand Montréal. «L'idée, c'était d'aller chercher des revenus publicitaires qui étaient dépensés ailleurs qu'en affichage», explique Luc Sabbatini.

En plus de ses nouveaux panneaux, Astral affiche dans les trains de banlieue, aux aéroports de Québec et de Montréal et sur une foule de colonnes et d'abribus. Le groupe dirigé par M. Sabbatini a fortement diversifié la source de ses revenus, qui proviennent maintenant à 50% de l'Ontario, à 40% du Québec et à 10% de la Colombie-Britannique. En 2005, 85% du chiffre d'affaires était réalisé au Québec, principalement avec des panneaux traditionnels.

Cette bonne tenue du secteur de l'affichage extérieur peut sembler surprenante, à l'heure où tous les yeux sont tournés vers l'internet et les médias sociaux. Mais Luc Sabbatini fait valoir que la technologie est de plus en plus utilisée dans le domaine de l'affichage, par exemple avec un nouveau dispositif qui permet de recevoir des informations directement sur son téléphone intelligent lorsqu'on approche l'appareil de certaines affiches publicitaires.

Selon une étude de la firme ZenithOptimedia, les dépenses publicitaires en affichage extérieur atteindront 492 millions cette année et 520 millions l'an prochain au Canada. En comparaison, les dépenses faites sur l'internet devraient totaliser 3,6 milliards l'an prochain (+15,2%), 1,87 milliard dans les journaux (-2,9%), 3,7 milliards à la télévision (+2,5%) et 1,7 milliard à la radio (+5,4%), avance le rapport.

Dans l'ensemble, le marché publicitaire devrait croître de 5,6% cette année et l'an prochain au Canada, pour totaliser 12,1 milliards en 2013, estime ZenithOptimedia.