Les médicaments «biologiques» sont sur leur lancée et occupent une place grandissante dans l'industrie du médicament. On prévoit même qu'ils seront majoritaires au palmarès des «meilleurs vendeurs» dès 2014. Mais derrière ces succès commerciaux se dissimulent des frais élevés pour les régimes publics et privés d'assurance médicaments. Des coûts appelés à s'implanter.

On les voyait poindre à l'horizon, et les voici maintenant qui arrivent à nos portes. Les médicaments biologiques portent le nom d'Enbrel, Remicade, ou Humira, et grimpent année après année les échelons qui les séparent des succès commerciaux comme Lipitor ou Plavix.

Pour les entreprises pharmaceutiques, les médicaments biologiques arrivent sur le marché à un très bon moment. Les brevets de leurs blockbusters viennent à échéance, et les nouvelles molécules susceptibles d'engranger des milliards en ventes se font plus rares.

Une situation que vient corriger en partie l'arrivée des «biologiques».

On leur a d'ailleurs déjà fait une place sur le marché. Selon une étude de la firme d'assurances Green Shield Canada, leur part de marché s'élevait à 11,3% en 2009-2010, et augmente d'année en année à un taux de croissance annuel moyen de 12,1%. Une croissance qui n'est pas prête de s'essouffler, puisqu'environ 6000 médicaments attendent présentement leur tour et font l'objet d'études cliniques. Ils étaient seulement 1200 en 2005 selon une analyse de la firme Reuters-Newport.

Si ces médicaments occupent un espace grandissant, c'est que les pharmaceutiques en tirent un fort prix. Pour profiter des médicaments Enbrel, Remicade, ou Humira, il en coûtait en 2010 pour chaque patient de 19 700$ à 35 700$ selon Express Scripts. Des coûts qui ont catapulté les trois médicaments sur la liste des meilleurs vendeurs en 2010 et qui ont permis aux entreprises propriétaires de générer chacune 6 milliards de revenus en l'espace d'une année.

«Ces produits-là sont beaucoup plus difficiles à développer», explique Pierre Falardeau, président et chef de la direction d'Oncozyme Pharma. Selon ce spécialiste québécois des «biologiques», le prix élevé de ces médicaments se justifie non seulement par les obstacles rencontrés avant leur mise en marché, mais aussi par leur méthode de fabrication qui commande l'utilisation de protocoles stricts.

«Le plus gros challenge est au niveau manufacturier. Le seul fait de changer de site de fabrication peut faire varier les propriétés du produit», raconte-t-il.

C'est que la fabrication d'un médicament biologique n'a rien d'ordinaire. Au contraire des médicaments classiques qui reposent sur les mains habiles de chimistes, les «biologiques» sont confiés à des cellules cultivées en laboratoire. Elles seules peuvent produire ces molécules complexes, les protéines, qui font environ 400 fois la taille des médicaments fabriqués par voie chimique.

Des traitements pour les maladies orphelines

Grâce aux médicaments biologiques, on peut désormais traiter les cancers et l'arthrite par de nouvelles approches. Mais s'il y a un secteur qui bénéficie avant tout de la venue de ces médicaments, c'est d'abord celui des «maladies orphelines». Ces troubles, généralement d'origine génétique, n'avaient pas reçu l'attention des géants pharmaceutiques jusqu'à tout récemment. Trop rares, on doutait de la rentabilité commerciale de tels traitements.

Les choses ont toutefois bien changé.

Les géants du secteur pharmaceutiques s'arrachent aujourd'hui les petites biotechs qui ont su développer des traitements pour les maladies orphelines. Et pour preuve: pour acheter la société Enobia, une boîte née dans les laboratoires de l'Université de Montréal, la pharmaceutique Alexion a déboursé en décembre dernier 610 millions de dollars. Une somme qui pourrait atteindre le milliard advenant l'atteinte de cibles commerciales.

Pourtant, le problème auquel s'attarde le traitement développé par Enobia ne concerne qu'un individu sur 100 000. Des ratios communs lorsqu'il est question de maladies orphelines, et qui amènent les pharmaceutiques à vendre leur traitement à un coût supérieur à 100 000$ par année.

Une pression grandissante sur les assureurs

Qu'ils coûtent 20 000, 30 000 ou 100 000$ par année, les médicaments biologiques créent une pression grandissante sur les régimes d'assurance public et privés.

Selon Green Shield Canada, 2,5% des demandes de remboursement concernent aujourd'hui des médicaments biologiques. Pourtant, ils représentent près de 20% des coûts des régimes d'assurance médicament.

«Avec l'arrivée prochaine de nouveaux biologiques sur le marché, les coûts vont continuer d'augmenter pour les régimes d'assurance, explique Brian Bockstael, président de Coughlin&Associates. Quand ça va arriver, il est possible que les employeurs veuillent changer le régime d'assurance de leurs employés.»

Selon lui, on verrait même déjà en Ontario l'apparition d'assurances complémentaires pour gérer des réclamations qui dépassent parfois les 10 000 ou 20 000$ par année. Une façon selon Brian Bockstael de répartir le fardeau d'une façon juste pour tous.

Bien sûr, les coûts élevés des médicaments biologiques n'épargnent pas le Régime d'assurance médicament du Québec (RAMQ). Pour s'assurer de limiter les dépenses de l'état québécois en matière de médicaments, la RAMQ mandate l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) d'accepter ou non un médicament sur la liste de ceux qui seront remboursés par le régime public.

Selon Lucie Robitaille, secrétaire générale et directrice générale associée au développement organisationnel et aux médicaments à l'INESSS, les médicaments biologiques participent à «une révision des critères d'évaluation» de son organisme.

D'ailleurs, deux médicaments biologiques contre le cancer, l'Erbitux et l'Herceptin font maintenant partie d'une courte liste de molécules faisant partie d'un «projet pilote» qui vise la négociation de leur prix avec le fabricant. Un compromis qui permettra aux Québécois d'avoir accès aux médicaments issus de l'innovation et qui ont un intérêt thérapeutique suffisant selon les critères de l'INESSS.

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> COÛTS DE CERTAINS MÉDICAMENTS BIOLOGIQUES (tableau)

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DES PRÉVISIONS DES COÛTS DES MÉDICAMENTS

Source : IMS Institute for Healthcare Informatics

BIOLOGIQUES

138 MILLIARDS EN 2010 - 200 MILLIARDS EN 2015

BIOSIMILAIRES

0,3 MILLIARD EN 2010 - 2 MILLIARDS EN 2015

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TOTAL DES TROIS MÉDICAMENTS BIOLOGIQUES LES PLUS VENDUS EN 2010: 18,2 MILLIARDS

ENBREL: 6,2 MILLIARDS

REMICADE: 6,0 MILLIARDS

HUMIRA: 6,0 MILLIARDS

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MÉTHODES D'EXCTRACTION DES BIOSIMILAIRES

1. Isolation des biosimilaires extraits des cellules d'une plante

2. Purification

3. Empaquetage des biosimilaires dans une formulation injectable