Malgré la mollesse de la croissance, l'inflation reste plus tenace que prévu, des deux côtés de la frontière, bien que les hausses salariales sont demeurées faibles. Chez nous, l'Indice des prix à la consommation (IPC) a bondi de 0,5% sur une base désaisonnalisée, ce qui a plus qu'effacé le repli surprenant de 0,2% enregistré en décembre. Le taux annuel d'inflation est passé de 2,3% à 2,5%, selon Statistique Canada.

Toutes les composantes de l'IPC étaient à la hausse ou stables le mois dernier, la hausse la plus élevée provenant du transport. Tant les prix des voitures neuves que de l'essence ont renversé complètement les reculs étonnants de décembre. Les prix de l'essence sont à leur niveau d'août 2008, alors que le brut se vendait à plus de 120$ US le baril.

On sait déjà qu'en ce qui concerne le carburant, les prix continuent de grimper ce mois-ci en raison des pressions qu'exercent sur les prix du pétrole brut de mer du Nord (le Brent) le programme nucléaire de l'Iran et sa menace de bloquer le détroit d'Ormuz. Hier, le prix spot du baril de Brent était de 120$ US.

Le prix des aliments continue de monter et est en hausse de 4,2% sur une base annuelle, en dépit d'une diminution des prix des fruits frais.

Les augmentations annuelles de certaines denrées sont très élevées: légumes frais et préparés 7%, céréales et produits boulangés 6,7%, viande 6,5%. En moyenne, les prix des aliments vendus aux supermarchés ont bondi de 4,9% en un an.

Ils devraient continuer d'augmenter au cours des prochains mois, en raison d'une offre limitée. «Le nombre de bêtes d'élevage sur les fermes canadiennes et américaines est le plus faible depuis plusieurs décennies», souligne ainsi Kenrick Jordan, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux.

Fait rarissime, les prix des biens progressent plus rapidement que ceux des services (2,8% comparativement à 2,2%). «Les biens ont atteint un sommet inégalé depuis 2001 en janvier, mais les services étaient au plus bas depuis 27 mois», note Matthieu Arseneau, économiste à la Banque Nationale. Il fait remarquer que la vigueur du huard ne semble plus ralentir la montée des prix des biens.

Les résultats de janvier prennent aussi en compte l'augmentation d'un point de pourcentage de la taxe de vente du Québec. Cela a occasionné la poussée des prix la plus forte de toutes les provinces. Avec ce bond de 0,8%, le taux annuel d'inflation atteint 2,8%, ce qui est davantage que les hausses du salaire moyen.

Lorsqu'on retranche de l'IPC ses huit composantes les plus volatiles ainsi que l'effet sur les prix des variations de taxe, on obtient quand même un gain mensuel de 0,3% qui pousse l'inflation de base à 2,1%. «C'est la quatrième fois en cinq mois que l'inflation de base tel que défini par la Banque du Canada est au-dessus de sa cible de 2%, souligne Jacques Marcil, économiste chez TD. Si la Banque cible l'inflation totale, elle accorde beaucoup d'importance à l'inflation de base dans l'établissement de sa politique monétaire.»

L'ensemble des économistes des institutions financières croient cependant que la Banque ne sera guère ébranlée dans sa volonté de maintenir le statu quo monétaire par les données publiées hier. Tant que la crise financière européenne ne sera pas contenue de manière convaincante, elle paraît disposée à tolérer un peu d'inflation afin de ne pas compromettre la faible croissance.

À n'en pas douter, c'est aussi la ligne de conduite adoptée par la Réserve fédérale américaine. Le petit bond de 0,2% de l'IPC américain n'a pas de quoi l'inquiéter. Même à 2,9%, le taux annuel d'inflation ralentit. Il est même à son niveau le plus faible depuis mars, en dépit d'une poussée là aussi des prix à la pompe susceptible avant tout de ralentir la consommation des ménages.