Après avoir recueilli les ordures des citoyens pour les transformer en carburant, Enerkem veut maintenant récolter leurs épargnes. L'entreprise québécoise prépare une entrée en Bourse sur le NASDAQ et le TSX d'une valeur de plus de 100 millions de dollars.

Enerkem a déposé les documents nécessaires à son premier appel à l'épargne vendredi dernier. Si le nombre d'actions qui seront mises en circulation et leur prix ne sont pas encore connus, le prospectus donne toutefois un indice de l'ampleur qu'aurait ce nouveau visage québécois en Bourse: les frais d'inscription sont basés sur une transaction d'une valeur maximale de 125 millions de dollars.

L'entreprise n'a pas voulu commenter le processus, hier, invoquant les considérations légales qui l'entourent. On sait toutefois que les actions de la nouvelle venue s'échangeront sous les symboles «NRKM» aux États-Unis et «NKM» au Canada.

Née des laboratoires de l'Université de Sherbrooke, Enerkem dit pouvoir transformer les ordures ménagères - des vieux sofas aux pelures d'orange en passant par le plastique non recyclable - en éthanol pouvant faire rouler les voitures.

L'entreprise a commencé à attirer l'attention il y a quelques années en annonçant coup sur coup plusieurs financements de dizaines de millions de dollars chacun. Le ministère américain de l'Énergie et Cycle Capital Management, fonds québécois consacré aux technologies propres, ont été parmi les premiers à miser sur la jeune entreprise. Les grands fonds de capital-risque américains ont bientôt suivi. Sans avoir fait un cent de profit, Enerkem est rapidement devenue l'entreprise en démarrage attirant le plus de capitaux de tout le Canada.

Après avoir testé sa technologie dans une usine de démonstration à Westbury, en Estrie, Enerkem construit actuellement sa première usine commerciale à Edmonton. D'autres usines au Mississippi et à Varennes (voir article ci-bas) sont aussi dans les cartons.

Si une poignée entreprises québécoises de technologies propres comme 5NPlus ou PyroGenesis sont déjà inscrites à la Bourse croissance de Toronto, c'est la première fois que l'une d'elles frappe à la porte du NASDAQ, Bourse américaine fétiche des technos.

«C'est une entrée par la grande porte», souligne Denis Leclerc, président d'Écotech Québec, grappe des technologies propres de la province.

Pour M. Leclerc, le cas d'Enerkem montre que le Québec est capable de prendre une technologie universitaire, de la financer et la faire fleurir en entreprise pour l'amener jusqu'en Bourse, tout en gardant l'expertise au Québec.

«C'est le genre de chose qu'on doit répéter plus souvent», dit-il.

Des risques considérables

Ceux qui décideront d'acheter des actions d'Enerkem doivent toutefois savoir qu'ils miseront sur une société en développement, avec tous les risques que cela comporte.

L'entreprise, qui a cumulé des pertes de 19 millions l'an dernier, n'a pas encore généré de revenus provenant de la vente d'éthanol. De plus, son usine-pilote de Westbury produit pour l'instant principalement du méthanol. Ce méthanol devra ensuite être transformé en éthanol avant d'être vendu.

Dans son prospectus d'émission, Enerkem avertit que «la conversion du méthanol en éthanol à l'échelle commerciale pourrait s'avérer plus difficile que prévu». Le prospectus mentionne aussi des risques liés aux coûts de construction et d'entretien des usines, ainsi qu'à l'approvisionnement en déchets et à la réglementation environnementale.

L'an dernier, le magazine Fast Company a placé Enerkem parmi les 50 entreprises les plus innovantes du monde, aux côtés d'acteurs comme Google, Cisco et Samsung. La technologie de transformation des déchets d'Enerkem a été mise au point par le chercheur Esteban Chornet. Son fils Vincent a pris les rênes de l'entreprise au début des années 2000.