Est-ce du devancement d'achats pour éviter de payer un point de pourcentage de taxe de vente de plus? Est-ce que les rabais hâtifs du Black Friday, calqués sur la coutume américaine, sont responsables de la ruée dans les magasins?    

Toujours est-il que les ventes au détail ont grimpé de 0,3% en novembre, d'un océan à l'autre, et même de 0,7% au Québec, selon les données de Statistique Canada. Exprimées en volumes, les ventes des magasins canadiens ont progressé de 0,5%.

Ce ne sont pas tous les types de détaillants qui ont profité de cette manne qui a surpris un peu les experts, préoccupés par le niveau élevé d'endettement des ménages.

Les magasins de fournitures en tout genre comme la chaîne Costco ont vu leur chiffre d'affaires bondir de 1,7% d'octobre à novembre, ceux de vêtements de 0,9%, ceux de produits de santé, de 0,8%. Les ventes de ces magasins grimpent en général en décembre, car ils sont source de cadeaux et d'étrennes.

«Puisque les volumes des ventes ont augmenté davantage que leur valeur, les rabais ont peut-être aidé à attirer des clients, suppose Emanuella Enenajor, économiste chez CIBC. Si c'est l'effet du Black Friday, la poussée de novembre s'est peut-être faite au détriment de décembre, à moins que les détaillants n'aient poursuivi leurs promotions.»

En revanche, les magasins d'électronique et d'électroménagers ont vu les leurs reculer de 3,1%, les marchands de meubles et d'accessoires de maison, de 0,8%. Cela pourrait refléter l'attiédissement des transactions immobilières depuis l'été.

L'augmentation au Québec surprend par son ampleur, étant donné la médiocre performance du marché du travail depuis l'été, de la faible progression des revenus et de la perte de confiance. «Il faut s'attendre que les prochains mois soient aussi marqués par une croissance modeste des ventes au détail, prévient Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. Il reste maintenant à savoir dans quelle mesure les ménages québécois auront devancé leurs achats afin d'éviter la hausse de la taxe de vente du Québec, entrée en vigueur le 1er janvier.» Celle-ci est passée de 8,5% à 9,5%.

Quoi qu'il en soit, la vigueur des dépenses de consommation de biens est de bon augure pour la croissance économique en novembre dont la variation sera connue la semaine prochaine.

À l'échelle canadienne, elles sont en progression de 5,1% en rythme annualisé, après deux mois au dernier trimestre. Au Québec, c'est même 6,5%, même si la situation sur le marché du travail s'y est davantage détériorée. «Cette incohérence ne peut pas durer, prévient Krishen Rangasamy, économiste à la Banque Nationale. Si le marché du travail reste anémique, le commerce plongera ou, alors, les données de l'emploi devraient remonter dans les mois à venir.»

La poussée des ventes au détail suggère que l'économie ait progressé de 0,2% en novembre, après avoir stagné en octobre à l'échelle canadienne. Si cela s'avère, la progression trimestrielle du produit intérieur brut (PIB) pourrait bien avoir été de 2,0% l'automne dernier qui ferait suite au bond remarquable de 3,5% durant l'été.

L'Institut de la statistique du Québec a publié hier aussi les données québécoises sur la taille de l'économie en octobre. Comme à l'échelle canadienne, la production a stagné. Toutefois, la société distincte a connu une poussée de croissance deux fois moindre durant l'été, qui l'a laissée sans élan à l'entrée du quatrième trimestre.

En outre, elle a perdu 69 000 emplois durant l'automne, du jamais vu depuis la grave récession de 1981. On aura une meilleure idée de la variation de la production avec la publication ce matin des données sur le commerce international et interprovincial. À titre indicatif, rappelons que les ventes des manufacturiers québécois ont augmenté de 0,7% d'octobre à novembre.