Les investisseurs attendaient l'annonce depuis des mois, mais ils sont restés sur leur faim. Le remplacement des deux coprésidents de Research In Motion (T.RIM) par un nouveau chef peu connu s'est traduit par un recul de 9% du titre de RIM en Bourse, lundi.

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Dimanche soir, le fabricant du BlackBerry a annoncé la démission de Mike Lazaridis et de Jim Balsillie après une année désastreuse pour l'entreprise. RIM a nommé à leur place son actuel directeur de l'exploitation, Thorsten Heins, un Allemand qui travaille pour le groupe ontarien depuis quatre ans.

Les analystes qui suivent RIM se sont montrés peu enthousiasmés par cette nomination. M. Heins faisait partie de l'équipe de direction qui a pris une série de mauvaises décisions au cours des derniers trimestres, déplorent-ils. Pire, le nouveau patron promet de gérer RIM dans la continuité, alors que plusieurs auraient souhaité une rupture avec l'ancien régime.

«Thorsten Heins travaille chez RIM depuis 2007 et il est clairement endoctriné par la culture existante, a dénoncé l'analyste Kevin Dede, de la firme new-yorkaise Brigantine Advisors. Il estime aussi que les stratégies actuelles appropriées, ce qui suffit pour croire qu'il est complaisant et complice de la perte des parts de marché.»

Vic Albolini, important actionnaire de RIM qui milite depuis des mois pour un changement à la haute direction, s'est lui aussi dit déçu par cette nomination. Il critique le fait que MM. Lazaridis et Balsillie resteront au conseil de l'entreprise, ce qui empêchera le nouveau patron de «penser différemment».

«Dans l'ensemble, il s'agit d'une nouvelle négative», a déclaré M. Albolini, président de la firme torontoise Jaguar Financial, à La Presse Canadienne.

La nomination d'un nouveau PDG survient au terme d'une année qui a vu la valeur de RIM fondre de 74% en Bourse. Le titre, qui s'échangeait à près de 70$ il y a un an, a clôturé à 15,67$ hier à Toronto. Les analystes ne voient pas l'action grimper au-delà de 19$ d'ici un an, et certains prévoient qu'elle baissera à 15$.

Pas de morcellement

Les commentaires formulés hier matin par Thorsten Heins n'ont rien fait pour calmer les investisseurs. Pendant une téléconférence, le nouveau chef a écarté la nécessité d'exercer un «changement draconien» dans la conduite des affaires de RIM. «Nous évoluons, notre stratégie évolue, nos tactiques évoluent, tout comme nos procédés.»

M. Heins a aussi indiqué qu'il s'opposait à la vente de certaines divisions de RIM - un geste que plusieurs actionnaires frustrés réclament depuis des mois pour redonner du tonus à l'action du groupe.

«Nous sommes forts parce que nous avons une solution intégrée, verticale: nous avons notre réseau, nos services, nos serveurs d'entreprise auxquels plus de 250 000 sociétés sont connectées, ainsi que des appareils fantastiques et un écosystème fantastique que nous construisons, a déclaré M. Heins. Je veux bâtir à partir de cela. En aucun cas je ne séparerai cela dans des entités distinctes.»

RIM a été frappé de plein fouet par la concurrence de l'iPhone d'Apple et des appareils Android de Google. Aux États-Unis, où le groupe connaît de vives difficultés, les parts de marché du BlackBerry s'établissent maintenant à 16,6%, comparativement à 46,9% pour les appareils de Google et 28,7% pour ceux d'Apple, selon les données de l'agence Bloomberg.

Les produits lancés par RIM depuis 18 mois n'ont rien fait pour réduire l'écart avec ses concurrents. La tablette tactile Playbook, dévoilée en avril, a été conspuée par la critique et boudée par les acheteurs, au point où RIM l'a soldée à 199$ avant Noël. Une nouvelle version de l'appareil devrait être dévoilée sous peu.

RIM mise gros sur ses BlackBerry de prochaine génération pour redorer son blason, mais leur lancement a été reporté à la fin de 2012. Un délai qui laisse présager au moins trois autres trimestres difficiles, selon l'analyste Peter Misek, de Jefferies.

«D'ici à ce que [la plateforme] BlackBerry 10 soit lancée, nous croyons que RIM continuera à avoir des défis et pourrait même enregistrer une perte», a-t-il indiqué dans un rapport.

RIM a par ailleurs annoncé la nomination de Barbara Stymiest, une étoile du monde des finances torontois, à la tête de son conseil d'administration.