La société montréalaise Enobia Pharma a été acquise jeudi matin par Alexion Pharmaceuticals pour 610 millions.

Les investisseurs qui ont parié sur une petite société québécoise en biotechnologies auront une raison de plus de célébrer cette semaine. L'américain Alexion Pharmaceuticals annonce qu'elle met la main sur la montréalaise Enobia Pharma pour une somme qui pourrait dépasser le milliard de dollars.

Née dans les laboratoires du département de biochimie de l'Université de Montréal en 1997, Enobia travaille à la mise au point d'un traitement pour l'hypophosphatasie, une maladie rare d'origine génétique pour laquelle il n'existe aucun traitement.

Le problème touche peut-être un individu sur 100 000, mais c'était suffisant pour qu'Alexion verse 610 millions de dollars en argent tintant et sonnant pour s'approprier l'entreprise du Technopôle Angus.

Advenant l'atteinte de certaines cibles commerciales, les actionnaires d'Enobia pourraient même toucher jusqu'à 470 millions de plus, pour un total dépassant le milliard.

« Alexion amène plus que de l'argent, a expliqué à La Presse Affaires le Dr Robert Heft, président et chef de la direction d'Enobia. Elle nous fera profiter de son expertise dans plusieurs domaines, mais pourra surtout lancer rapidement la commercialisation de notre produit. »

L'entreprise montréalaise avait bénéficié il y a quelques mois d'un investissement de 40 millions, une somme qui allait être épuisée au deuxième trimestre de 2012 selon son président.

« Nous aurions tôt ou tard eu besoin d'un nouveau financement », a-t-il ajouté.

Dès l'acceptation de l'entente par les autorités américaines, les sociétés en capital-risque Orbimed Advisors, Fonds CTI Sciences de la vie, le Fonds de solidarité de la FTQ, Desjardins Capital de risque, Lothian Partners et T2C2/Bio 2000 se sépareront la cagnotte. Un baume pour ces firmes d'investissements qui ont connu peu de succès dans le passé avec les biotechs.

Le Dr Robert Heft espère d'ailleurs que l'histoire d'Enobia saura raviver l'intérêt des investisseurs canadiens et québécois pour les petites sociétés en sciences de la vie.

« Je crois que nous avons montré par notre modèle d'affaires qu'il est possible de connaitre du succès dans le secteur, et j'espère que d'autres sauront s'en inspirer. »

Le nouveau propriétaire d'Enobia, Alexion, se spécialise dans la mise en marché de traitements pour les maladies orphelines, une catégorie souvent négligée par les grandes pharmas parce qu'elles ne concernent qu'un petit nombre d'individus.

Au cours de la dernière année, cette géante américaine - évaluée à 13 milliards de dollars-  a multiplié les acquisitions. L'achat d'Enobia Pharma vient terminer la saison de chasse de ses dirigeants.

On ignore pour l'instant ce qu'il adviendra de la division montréalaise d'Enobia.

« L'acheteur évalue autant l'équipe que les actifs qu'il acquiert, indique le Dr Robert Heft. Nous connaîtrons en début d'année quel est le plan d'intégration d'Alexion et quel sera son impact pour nos employés. »

Un traitement prometteur

Si Alexion est prêt à verser autant d'argent pour l'achat d'Enobia, c'est que les résultats cliniques de phase II de son traitement sont très encourageants.

Le produit phare de l'entreprise, l'ENB-0040, vient corriger l'hypophosphatasie, une condition qui entraîne une déminéralisation des os et qui expose les patients à des fractures spontanées.

Le nouveau-né atteint de cette maladie est aussi fragile que du verre. L'accouchement lui fracture les côtes, et toute manipulation est susceptible de lui briser les os.

Une protéine

Le problème peut aussi surgir à l'adolescence ou à l'âge adulte, dépendamment du niveau d'expression dans l'organisme d'une protéine appartenant à la famille des phosphatases alcalines. Le traitement d'Enobia pallie l'absence de cette protéine en remplaçant son activité enzymatique.

Les résultats préliminaires du traitement sont plus qu'encourageants. « On le voit clairement sur des images de rayons X », indique le Dr Robert Heft.

Les côtes du nouveau-né qui ont l'apparence de spaghettis montrent « des signes clairs de guérison quelques mois après le début du traitement. »

Il faudra attendre encore avant de voir ce produit être commercialisé. Son lancement est prévu pour la fin de 2014.