L'économie américaine tient bien le coup, mais ses perspectives restent vulnérables aux fortes tensions qui secouent les marchés financiers mondiaux.

Voilà pourquoi la Réserve fédérale américaine (Fed) a choisi de reconduire hier sa politique monétaire exceptionnellement accommodante, sans annoncer de nouvelles mesures de détente, comme l'auraient souhaité les acteurs des marchés. Ils ont d'ailleurs accueilli la nouvelle avec une certaine tiédeur, effaçant les gains de la matinée dans les minutes suivant l'annonce et abandonnant de la valeur par la suite.

«L'économie prend modérément de l'expansion, nonobstant un certain ralentissement apparent de la croissance mondiale», lit-on au début du communiqué de son Comité de politique monétaire.

Il reconduit au moins jusqu'à l'été 2013 la fourchette de 0% à 0,25% de négociation de son taux cible, mise en place en décembre 2008.

Reconduite aussi l'opération Twist de 400 milliards US. Elle consiste à troquer des obligations de courte échéance contre d'autres venant à terme plus tard, de manière à infléchir les taux d'intérêt obligataires à long terme qui servent de barème aux taux d'emprunt des entreprises et des ménages sur les marchés financiers.

Reconduite aussi la mesure de réinvestissement du capital et des intérêts des obligations gouvernementales ou de créances et de titres hypothécaires émis par les agences Fanny Mae et Freddie Mac dans des véhicules du même type.

«Si les indicateurs reflètent une certaine amélioration des conditions générales du marché du travail, reconnaît la Fed, le taux de chômage reste élevé. Les dépenses des ménages continuent de progresser, mais les investissements fixes des entreprises semblent progresser moins rapidement tandis que le secteur de l'habitation demeure déprimé.»

La Fed souligne aussi que «les tensions sur les marchés financiers mondiaux continuent de représenter des risques baissiers importants à la perspective économique».

Au chapitre de l'inflation, sa lecture est plus nette: la marche des prix ralentit et les attentes inflationnistes à long terme restent stables.

Comme en novembre, le président de la Réserve fédérale du district de Chicago, Charles L. Evans, a exprimé sa dissidence. Il aurait souhaité davantage d'assouplissements.

Il aura peut-être plus de succès en janvier quand la composition du Comité de politique monétaire sera modifiée. Quatre nouveaux membres, dont trois jugés accommodants, en remplaceront quatre dont trois étaient considérés comme très fermes (hawkish) en matière d'inflation.

Au cours de sa conférence de presse en novembre, le président de la Fed, Ben S. Bernanke, avait évoqué la possibilité d'une communication plus transparente. Il avait aussi reconnu qu'une intervention sur le marché des prêts hypothécaires était de nature à stimuler le secteur déprimé de l'habitation.

Pareilles annonces hier auraient supposé toutefois davantage de débats au sein de la Fed, ce qu'une réunion d'une demi-journée ne permettait pas, et plus d'explications, ce qui aurait exigé une conférence de presse qui n'était pas à l'horaire de M. Bernanke.

La prochaine est prévue au début de 2012 quand la Fed mettra aussi à jour ses prévisions économiques.

«Les risques que font courir les développements mondiaux à l'expansion signifient que la Fed garde la porte ouverte à d'autres mesures», estime Dawn Desjardins, économiste en chef adjoint chez RBC.

«À notre avis, un troisième programme de détente quantitative est hors de question pour le moment, mais la Fed pourrait bien maintenir les taux directeurs à leur niveau actuel au-delà du milieu de 2013», nuancent Paul-André Pinsonnault et Krishen Rangasamy, économistes à la Banque Nationale.

Bref, la Fed semble chercher à gagner du temps, afin de mieux jauger comment évoluera la crise européenne et le débat au Congrès sur le prolongement des baisses de deux points de pourcentage des cotisations des ménages à la sécurité sociale et de la durée des prestations d'assurance-chômage.

«Comme l'expansion du PIB (produit intérieur brut) va sans doute ralentir en première moitié d'année (nous parlons de moins de 2% à cause de l'Europe) et le taux de chômage rester élevé (près des 9%), nous nous attendons à voir au moins de nouvelles indications enrobées d'un biais baissier», conclut Michael Gregory, économiste chez BMO Marchés des capitaux.