S'appuyant sur une aggravation de la crise européenne et un affermissement récent de la croissance nord-américaine, la Banque du Canada a reconduit sans surprise hier son taux directeur, fixé à 1% depuis septembre 2010.

Elle a cependant étonné quelque peu les spéculateurs en fermant aussi la porte à une baisse de taux prochaine. «Comme le taux d'intérêt cible se situe près de creux historiques et que le système financier fonctionne bien, la détente monétaire en place au Canada est considérable», lit-on dans le communiqué faisant part de sa décision.

Dans la foulée de l'annonce, le dollar canadien a gagné du terrain face au billet vert. Il a terminé la journée à 99,05 cents US, en hausse de 70 centièmes.

«Si on la compare à la Réserve fédérale ou à la Banque centrale européenne, la Banque du Canada peut sembler un peu ferme («hawkish») en maintenant son taux à 1%», fait remarquer Mark Hopkins, économiste principal pour le Canada chez Moody's Analytics.

«En réalité, sa politique est beaucoup plus souple que celle de ces deux banques centrales, si on la compare aux données économiques fondamentales du pays et aux conditions d'octroi de prêts par le secteur privé», ajoute M. Hopkins.

L'équipe de Mark Carney estime cependant que «les conditions se sont détériorées sur les marchés financiers internationaux alors que la crise de la dette souveraine en Europe s'est aggravée». Au point où elle estime désormais que la récession européenne sera «plus prononcée». En octobre, dans le Rapport sur la politique monétaire, elle la voyait «légère». «Des mesures additionnelles devront être prises afin de contenir la crise européenne», prévient-elle à quelques jours du Sommet déterminant des chefs des 27 pays de l'Union européenne, dont 17 partagent l'euro.

La Banque observe cependant que la croissance est un peu plus vigoureuse de ce côté-ci de l'Atlantique. Aux États-Unis, les dépenses des ménages et les investissements des entreprises ont suscité une certaine surprise. Ce n'est toutefois qu'une question de temps avant que la conjoncture internationale, l'austérité fiscale et le désendettement des ménages n'exercent leurs freins sur la croissance, estime-t-elle.

Il en va de même pour le Canada qui souffre en outre de «problèmes sur le plan de la productivité» et de «la vigueur persistante du dollar canadien». «À l'avenir, l'affaiblissement des perspectives à l'étranger devrait modérer l'expansion du PIB (produit intérieur brut) au Canada par la voie des liens financiers, de la confiance et des échanges commerciaux», lit-on dans le communiqué.

Dans son scénario économique d'octobre, elle voyait une croissance annualisée de 2,0% au troisième trimestre et de 0,8% pour le quatrième. Les données du troisième ont plutôt été de 3,5% et la cible de 2% pour l'automne reste bien atteignable.

Les autorités monétaires canadiennes estiment toujours que l'inflation, qui les surprend quelque peu par sa ténacité, ralentira au cours des prochains mois sous l'effet d'un repli des prix des aliments et de l'énergie ainsi que de l'offre excédentaire dans l'économie. En octobre, la progression annuelle de l'Indice des prix à la consommation (IPC) était de 2,9%. Elle dépassait la cible de 2% pour le 11e mois d'affilée. Celle de l'indice de référence, qui exclut huit composantes volatiles de l'IPC, était de 2,1% et allait en s'accélérant au cours des derniers mois.

Les autorités monétaires jugent que le rythme de l'IPC va ralentir à 1,4% l'an prochain, ce qui justifierait un statu quo monétaire durant plusieurs trimestres.

À la Banque Nationale, on s'attend plutôt à un taux de 2,2%, ce qui obligera l'équipe de Mark Carney à serrer un peu la vis à la deuxième moitié de 2012. «L'entrée massive de biens importés d'Asie, à faibles coûts, et la forte progression du huard ont contribué à contenir la hausse du panier de consommation des Canadiens, a rappelé au début de la semaine l'économiste Matthieu Arseneau. Qui plus est, le gouvernement fédéral a mis la main à la pâte en réduisant sa taxe de vente à deux reprises entre 2006 et 2008. À nos yeux, cette époque est révolue.» La prochaine date de fixation du taux directeur est le 18 janvier.