Une bonne vingtaine de marchands d'alimentation du Québec se sont présentés à la Régie des marchés agricoles et alimentaires, hier matin, pour signifier leur opposition à une éventuelle abrogation du prix minimum du lait. Une décision qui tuerait les petits détaillants, estiment-ils. Et qui, à long terme, serait désavantageuse pour la population, selon une association de consommateurs.

> Suivez Hugo Fontaine sur Twitter

La Régie avait convoqué une «conférence préparatoire» pour déterminer les modalités d'une consultation sur la possibilité d'abroger le Règlement sur les prix du lait à la consommation, qui prévoit un prix minimal et maximal. Bref, une séance portant sur la forme plutôt que sur le fond du débat.

«La personne à la Régie qui a convoqué ça a eu une crampe au cerveau», a lancé le président-directeur général de l'Association des détaillants en alimentation du Québec, Florent Gravel, premier à prendre la parole. «Jamais personne autour de la table n'a demandé l'abrogation du règlement des prix du lait.»

Les marges de profit sont minces pour les détaillants, a rappelé M. Gravel, dont l'association regroupe des marchands propriétaires. Elles sont d'à peine 1 ou 2% dans les formats de quatre litres. L'abolition du prix minimum entraînerait une guerre des prix qui placerait les petits détaillants et les dépanneurs dans une position délicate, incapables de suivre les grands supermarchés ou autres Couche-Tard qui n'hésiteraient pas à utiliser le lait comme produit d'appel.

À court terme, une guerre des prix serait avantageuse pour le consommateur, observe Denis Falardeau, coordonnateur de l'Association coopérative d'économie familiale de Québec, qui suit les activités de la Régie des marchés agricoles. «Mais une fois que la concurrence est tuée, les prix repartent à la hausse», rappelle-t-il.

Les transformateurs, représentés par le Conseil des industriels laitiers du Québec, sont aussi pour le maintien du règlement. Les petites laiteries finiraient par payer la note de la guerre des prix, a expliqué le PDG du Conseil, Pierre Nadeau, en marge de la séance d'hier. Les gros détaillants pourraient exiger une baisse des prix aux transformateurs.

Pas de base solide

Comme personne ne demande la déréglementation du prix du lait, le seul fait que la Régie l'évoque a surpris tous les intervenants. «C'est une décision qui vient de l'interne, a expliqué la régisseuse, France Dionne. Nous avons l'impression que nous n'avons pas de base solide pour fixer le prix.»

La fixation des prix de détail est basée, d'une part, sur les prix versés aux producteurs (environ 55% du prix de détail), eux-mêmes établis par les transformateurs et producteurs dans les conventions de mise en marché et, d'autre part, sur les coûts des laiteries, distributeurs et détaillants (45%).

Cette deuxième portion des coûts a été établie en 1999 par la Régie, et elle est indexée selon une formule qui tient compte de l'évolution de l'indice des prix de l'industrie canadienne pour les produits laitiers, du revenu personnel disponible au Canada et de l'indice des prix à la consommation du Québec.

Or, la Régie se demande si le prix indexé représente encore bien les coûts réels des intervenants (excluant les producteurs). «Nous avons un inconfort avec le fait que les coûts réels ne soient pas suffisamment connus, a précisé la régisseuse. Dans ce contexte, on se demande si cela ne vaudrait pas la peine d'abolir le règlement.»

La Régie n'est pas fermée à l'idée de conserver le règlement, mais elle veut savoir si la formule de fixation et d'indexation du prix tient la route. «Ce que la Régie cherche, c'est de l'information pertinente et fiable pour savoir comment tenir compte d'un coût juste pour les détaillants et transformateurs, de même que d'un prix juste pour les consommateurs, pour qui le lait, ce n'est quand même pas n'importe quoi», a précisé Mme Dionne.

La Régie invite les intervenants à présenter une analyse de leurs coûts réels et à proposer une formule de fixation des prix qui en tienne compte.

Part de la production laitière sur l'ensemble des recettes agricoles du Québec