Sans publicité, Radio-Canada ne pourrait plus présenter de sport au petit écran et devrait sacrifier Don Cherry et sa populaire émission Hockey Night in Canada, selon une étude rendue publique hier par la société d'État. «Radio-Canada n'aurait pas les moyens de faire de la télé sportive, car les droits coûteraient trop cher à rentabiliser sans publicité», dit Peter Lyman, associé principal du Groupe Nordicité, qui a réalisé l'étude pour le compte de Radio-Canada.

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Radio-Canada obtient 20% de son budget grâce à la vente de publicité à la télévision. En 2010-2011, la société d'État a généré des revenus publicitaires de 368 millions de dollars sur un budget total de 1,8 milliard. Selon l'étude commandée par Radio-Canada, la fin de la publicité sur ses ondes à la télé signifierait un manque à gagner de 533 millions par année, soit 368 millions en pertes de revenus et 190 millions en coûts additionnels de programmation pour remplacer la publicité. Cette décision signifierait 3600 pertes d'emplois dans l'industrie de la télé au Canada. «L'effet serait dévastateur sur notre capacité de remplir notre mandat», dit Hubert Lacroix, PDG de Radio-Canada.

Le gouvernement Harper n'a pas l'intention d'obliger par la loi CBC/Radio-Canada à réduire sa publicité à la télé. «Radio-Canada est une société d'État indépendante qui prend ses propres décisions», a dit l'attaché de presse du ministre du Patrimoine canadien James Moore, Sébastien Gariépy, à La Presse Affaires. Le PDG de Radio-Canada confirme que le sujet n'est pas à l'ordre du jour dans ses discussions avec le gouvernement fédéral. «Je n'ai eu aucune conversation à ce sujet avec le gouvernement», dit Hubert Lacroix.

Pourquoi alors dévoiler une étude sur le retrait hypothétique de la publicité à Radio-Canada? Parce que la publicité à la société d'État fait parfois l'objet de critiques, fait valoir Hubert Lacroix. «Comme le sujet est souvent abordé, je veux avoir une discussion basée sur des faits et que les gens comprennent les conséquences [d'un retrait de la publicité à la télé de Radio-Canada]», dit Hubert Lacroix.

Dans son étude, Radio-Canada fait valoir que la publicité constitue une partie moins importante de son budget (18% des revenus) que plusieurs de ses homologues, notamment en Nouvelle-Zélande (65%), Irlande (38%), en Italie (31%), en Autriche (23%) et en Espagne (21%). Les réseaux publics aux États-Unis (15%), au Royaume-Uni (12%), en France (12%) et en Allemagne (6%) dépendent toutefois moins du marché publicitaire que Radio-Canada.

Une deuxième raison pour Radio-Canada de s'intéresser au sujet de la publicité sur ses ondes: la société d'État devra passer en juin devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) pour faire renouveler ses conditions de licence. Le CRTC a le pouvoir de limiter la publicité sur ses ondes s'il le juge nécessaire. Le CRTC interdit d'ailleurs la publicité à la radio de Radio-Canada. À la télé, Radio-Canada n'a pas de limite de publicité, au même titre que les autres télés généralistes. Les chaînes spécialisées sont limitées à 12 minutes par heure.

Les deux principaux concurrents de Radio-Canada, Quebecor (TVA) en français et Bell (CTV) en anglais, n'ont pas réagi hier au rapport de Radio-Canada sur la publicité à la télé. Quebecor et Bell veulent-elles une diminution de la publicité à Radio-Canada? Les deux entreprises n'ont pas voulu s'étendre sur le sujet hier.