Les entreprises peuvent compter sur la solide capitalisation et les énormes liquidités des banques canadiennes pour poursuivre leurs programmes d'investissements, malgré les inquiétudes que suscite l'Europe.

C'est le message qu'a livré hier le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney. «Nous avons un système financier très solide et c'est notre responsabilité de vous assurer que ça va le rester, a-t-il indiqué en aparté d'un discours très technique sur le ciblage de l'inflation, prononcé devant la chambre de commerce du Montréal métropolitain. Nos banques ont plus de fonds propres qu'en 2008. Elles pourront continuer de prêter. Les entreprises auront accès à du capital. C'est une grande occasion à saisir.»

Il répondait ainsi à l'interpellation du PDG de la Chambre, Michel Leblanc, faite en présentant le gouverneur.

M. Carney n'a pas minimisé la gravité de la crise européenne. Toutefois, le Canada n'est pas directement touché dans l'immédiat, compte tenu de la faiblesse relative de ses liens commerciaux avec le Vieux Continent et de la modeste portion de prêts à l'Europe par les banques canadiennes.

Le gouverneur a par ailleurs indiqué que le taux d'inflation devrait se rapprocher des 1% d'ici l'été, ce qui laisse entendre que le taux directeur sera reconduit à 1% pendant encore plusieurs trimestres.

«Il existe beaucoup d'inquiétudes sur la capacité des dirigeants de régler la situation en Europe, a-t-il ajouté pendant la conférence de presse qui a suivi son allocution. Ils ont les moyens de la régler et les solutions. Ça vaudrait mieux qu'ils les mettent en oeuvre cette semaine plutôt que l'année prochaine.»

Quelle que soit l'option retenue, elle devra permettre à tous les pays de financer leur dette à des taux soutenables. Il n'a exprimé aucune préférence entre un rôle accru de la Banque centrale européenne pour en faire un prêteur de dernier ressort, l'émission d'euro-obligations ou le renforcement du Fonds européen de stabilité financière (FESF). «L'essentiel est de gagner du temps pour refondre l'Union monétaire», a-t-il souligné.

L'inquiétude que suscite la crise de la dette publique européenne a monté d'un cran hier avec l'échec des enchères de la Bundesbank. L'Allemagne, qu'on croyait immunisée, a cherché à lever six milliards d'euros pour 10 ans, mais n'a trouvé preneur que pour 3,89 milliards, en consentant un taux de 1,98%, soit six centièmes de plus que le taux de lundi.

En comparaison, la Banque du Canada n'a eu aucune difficulté à écouler hier 3,5 milliards d'obligations du Canada venant à terme dans cinq ans. La demande était pour 7,79 milliards. Le rendement consenti est de 1,44%.

M. Carney a expliqué que la contagion de la crise de la zone euro à l'Allemagne s'explique en partie par le fait que «les détails de l'accord européen conclu fin octobre ne sont pas connus dans une large mesure», ce qui accroît l'inquiétude.

Il a répété que la zone euro est entrée en légère récession. Desjardins est allé plus loin hier en prédisant une décroissance de 0,5% de l'Union monétaire en 2012. Le Canada devrait mieux s'en tirer avec une modeste expansion de 2,1%, selon l'institution lévisienne. C'est deux dixièmes de mieux que la prévision de l'équipe de M. Carney.

Le gouverneur a seulement indiqué que la croissance du troisième trimestre de 2011 a été plus élevée que les 2% pronostiqués par la Banque le mois dernier.

L'engouement pour les obligations canadiennes reflète la volonté de plusieurs prêteurs américains de se départir de leurs actifs en euros. Ils se tournent plutôt vers d'autres actifs, dont les canadiens.

Les banques canadiennes n'ont éprouvé aucune difficulté ces derniers mois à augmenter leur capital de première catégorie (actions ordinaires et bénéfices non répartis) ni à se gorger de liquidités par de multiples émissions d'obligations des deux côtés de la frontière.

Les banques européennes n'ont pas cette chance alors qu'elles sont tenues de se conformer aux normes de Bâle III, d'ici à juin. Cela signifie porter le ratio de leurs fonds propres de première catégorie sur leurs actifs à 7%.

Comme le cours de leurs actions est en chute libre, elles ne peuvent en émettre de nouvelles sans trop diluer leurs actionnaires. Elles tentent donc de vendre leurs actifs, surtout américains, ce qui revient à rapetisser leur bilan pour satisfaire le ratio de capitalisation exigé. Au bout du compte, ça signifie moins de prêts dans des pays où l'économie est entrée en récession.

«Il faut recapitaliser les banques européennes, et non pas seulement atteindre un ratio», a insisté M. Carney.

Faute d'investisseurs, cela pourrait signifier les nationaliser, transformer une partie de leur dette en capital ou un sauvetage par le FESF, s'il en a les moyens.

M. Carney laisse l'embarras du choix aux Européens.