Les récents indicateurs économiques aux États-Unis pointent tous vers une certaine accélération de la croissance cet automne, mais les tensions politiques en Europe et à Washington sur les enjeux fiscaux sont à nouveau de nature à la compromettre.

Les prophètes de malheur en ont pris pour leur rhume la semaine dernière. La production industrielle et les permis de bâtir ont bondi le mois dernier, tandis que le taux de prêts hypothécaires en défaut a atteint un creux de trois ans.

Mieux, l'indicateur avancé a progressé de 0,9% en octobre, ce qui présage d'une croissance qui pourra persister durant l'hiver.

Mieux encore, la moyenne mobile de quatre semaines a révélé que les demandes initiales d'assurance-chômage étaient enfin passées sous la barre des 400 000. Historiquement, cela correspond à des embauches par le secteur privé au rythme de quelque 200 000 par mois. C'est la quantité jugée nécessaire pour faire reculer le taux de chômage qui se cramponne à 9% ou au-delà depuis trois ans.

Puisqu'il est question de recul, celui de l'inflation et, plus particulièrement, des prix à la pompe réveille les bons vieux réflexes de consommation des ménages américains. Les ventes des détaillants ont augmenté de 0,5% en octobre, après un gain plus prononcé en septembre.

Cela est de bien bon augure pour vendredi prochain. Le Black Friday, qui suit la Thanksgiving, lance la saison des Fêtes pour les détaillants. Ceux de matériel électronique mettront sûrement en vitrine le nouvel iPhone S et les téléviseurs 3D.

Voila pourquoi des deux côtés de la frontière, les prévisionnistes revoient leurs chiffres de croissance de la première économie du monde. Hier, ceux de BMO, de TD et de CIBC ont tous ajouté un demi-point à leur pronostic. Ils voient désormais une avancée annualisée de 3% environ au quatrième trimestre, ce qui en ferait le meilleur de l'année. Au sud, ceux de JP Morgan et de Morgan Stanley ont fait de même.

Pour soutenir ce regain d'optimisme, ils peuvent aussi compter sur un restockage des entreprises. Elles ont préféré ralentir la production durant l'été, compte tenu des incertitudes nourries par l'aggravation de la crise européenne et l'impasse au Congrès sur le relèvement du plafond de la dette qui avait entraîné la décote des États-Unis par Standard & Poor's, début août.

Malheureusement, l'incapacité persistante des élus des deux côtés de l'Atlantique à s'entendre sur une solution crédible pourrait bien obliger les prévisionnistes à revoir leurs chiffres à nouveau, à la baisse cette fois.

Mercredi, soit l'avant-veille du Black Friday, est la date butoir du Supercomité du Congrès chargé de trouver un plan de réduction du déficit américain de 1200 milliards en 10 ans. Faute d'entente, la réduction de 2% de l'impôt des salariés et l'allongement de la période d'admissibilité à l'assurance-chômage dans les états les plus touchés par la récession votée en décembre prendront fin le 31 décembre, ce qui est susceptible de retrancher un demi-point à la croissance en 2012.

Pire, un échec déclencherait des coupes automatiques de 1500 milliards dans le budget de Washington, y inclus celui de la défense. Il mettrait fin surtout aux réductions d'impôt temporaires décrétées par George W. Bush, au début de sa présidence. Cela équivaudrait à de nouvelles rentrées fiscales de 4000 milliards sur 10 ans, mais à une entrave à la croissance estimée à trois points de pourcentage.

Les républicains tiennent mordicus à reconduire ces baisses d'impôt. Ils veulent réduire le déficit par des coupes dans les programmes sociaux, dont le Medicare offert aux vétérans et aux retraités.

Les démocrates veulent reconduire les baisses d'impôt pour la classe moyenne, mais pas pour les individus qui gagnent 200 000$ et plus ou les ménages qui en touchent 275 000$, ce qui assurerait des rentrées fiscales de quelque 800 milliards. À tout prendre, ils préfèrent l'expiration de l'ensemble des baisses d'impôt de l'ère Bush à des coupes brutales dans les programmes sociaux, quitte à courir le risque d'une nouvelle récession en 2013.

À lui seul, ce disfonctionnement mine la confiance des ménages et des chefs d'entreprise, la dernière chose dont a besoin une économie qui paraît enfin capable de marcher seule après deux ans de reprise chancelante.