Bien que le coût annuel de la «règle de 15 ans» ait augmenté de plus de 500% en six ans, le gouvernement du Québec n'entend pas réexaminer ses impacts sur son économie.

Créée en 1994 pour inciter les entreprises pharmaceutiques qui mettent au point de nouveaux médicaments à s'implanter au Québec, la «règle de 15 ans» confère une protection supplémentaire d'environ cinq années aux médicaments d'origine brevetés.

La mesure force ainsi le régime d'assurance médicaments du Québec à rembourser les médicaments d'origine sur une période de 15 ans. Et ce, même si des médicaments génériques moins coûteux sont disponibles sur le marché.

En 2005, une étude évaluant les impacts économiques de la «règle des 15 ans» avait conclu qu'elle rapportait 37 millions de dollars par année au gouvernement québécois. Or, alors que son coût annuel s'élevait à l'époque à 25 millions, il a grimpé aujourd'hui à 193 millions.

Voyant les coûts exploser, le gouvernement indiquait en juillet 2010 être «en réflexion» sur l'idée de réexaminer les impacts de la «règle de 15 ans».

Aujourd'hui, il se dit incapable d'évaluer de nouveau les coûts et bénéfices de la mesure en raison de l'absence d'une série de données.

«L'étude de 2005 nous permettait d'avoir un calcul du coût net de la mesure en utilisant un algorithme complexe. Sans les données actualisées de Statistique Canada, on ne peut pas refaire d'étude», précise Jacques Delorme, porte-parole du ministère des Finances.

Selon André Lemelin, chercheur à l'INRS Urbanisation, culture et société et coauteur de l'étude de 2005, une nouvelle évaluation de la «règle de 15 ans» pourrait changer l'idée qu'on s'en fait.

«Même si on ne peut pas mettre cette étude à jour, ce n'est pas un grand risque de dire que les conclusions de notre étude seraient probablement inversées si elle était refaite aujourd'hui», explique-t-il.

Si les coûts sont mis en cause, il faut aussi selon lui prendre en compte la transformation du secteur pharmaceutique québécois au cours des six dernières années. «À l'époque, les enjeux étaient clairs: les fabricants de génériques étaient en Ontario alors que les entreprises pharmaceutiques innovatrices étaient au Québec. C'est moins vrai aujourd'hui», indique André Lemelin.

En effet, si l'emploi chez les fabricants de médicaments d'origine a baissé pour se trouver aujourd'hui à 9200 travailleurs, celui du secteur des médicaments génériques est passé de 2600 à 4800 salariés de 2005 à 2010.

Selon Jean-Pierre D'Auteuil, porte-parole du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, la «règle de 15 ans» garde son utilité malgré ses coûts.

«Cette mesure permet au Québec de se démarquer face au reste du Canada et de s'approcher des standards internationaux en ce qui a trait à la protection de la propriété intellectuelle», explique-t-il.

Il souligne notamment l'engagement de Merck d'investir 100 millions de dollars sur cinq ans dans la recherche au Québec et l'investissement de 15 millions par Pfizer dans différents fonds québécois.

Le coût annuel des mesures visant à inciter les entreprises pharmaceutiques de médicaments d'origine à s'implanter au Québec.

Le nombre de personnes travaillant dans l'industrie du médicament d'origine au Québec.