L'affaire Castor Holdings (CH), théâtre du plus long procès des annales judiciaires canadiennes - plus de 12 ans - conclu à Montréal en avril dernier avec une condamnation du vérificateur Coopers & Lybrand (C&L) à des dommages pouvant atteindre 1,5 milliard de dollars, n'en finit plus de s'éterniser.

Inquiets de la possibilité de ne pas recevoir leur dû, la succession d'un des actionnaires de Castor Holdings, Peter N. Waddrington, et le syndic de faillite RSM Richter ont déposé une requête en jugement déclaratoire devant la Cour supérieure il y a une dizaine de jours, a appris La Presse Affaires.

Ils demandent au tribunal de se prononcer sur une série de questions de droit, craignant que les assureurs de C&L aient l'intention de soutenir avoir peu à offrir parce que le gros du montant de couverture de CH de 150 millions est passé en frais juridiques divers au fil des ans.

Il semble que les assureurs, Lloyd's et Resolute Management Services, n'aient jamais rien prétendu de tel directement, mais que la succession Waddrington et RSM Richter aient de bonnes raisons de le croire. Notamment parce que le responsable des questions d'assurances chez C&L, Robert Lowe, a déclaré en mars 1997 que les frais juridiques de 15 millions accumulés à cette époque pour la défense de C&L avaient été acquittés à même la couverture de 150 millions.

«La position de C&L et des intimés est que les coûts de la défense en ce qui a trait aux poursuites Castor a épuisé l'essentiel, sinon la totalité, du montant disponible d'assurance...», écrivent les avocats de Fishman Flanz Meland Paquin.

Or, la succession et le syndic soutiennent que le Code civil québécois statue clairement que les coûts et les dépenses d'une poursuite contre un assuré, y compris ceux de sa défense et les intérêts liés à son éventuelle condamnation, sont dus par l'assureur en sus du montant de la couverture.

C'est essentiellement le principe qu'ils veulent faire confirmer par la Cour supérieure avec leur requête en jugement déclaratoire. Conclure autrement serait non seulement contraire au droit québécois, mais aussi un déni de justice, ajoutent-ils.

Pourquoi? Parce que C&L et les assureurs ont selon eux adopté une stratégie de la terre brûlée depuis 1993, année du dépôt de la première action, en multipliant outrageusement les recours.

«Comme l'ont reconnu de nombreuses décisions de la cour, C&L (à la connaissance et avec le consentement apparent des intimés (assureurs)) dès le tout début des poursuites Castor, a mené une guerre d'attrition dans une tentative apparente de décourager les requérants et les autres plaignants des poursuites Castor...», avance la requête.

Cet interminable feuilleton a commencé en 1992 avec la mise en faillite de Castor Holdings, société de portefeuille immobilier montréalaise.

Des investisseurs et des fonds ont perdu 600 millions dans cette débandade survenue sans avertissement et une vingtaine d'entre eux ont intenté des poursuites contre le vérificateur de CH, Coopers Lybrand, l'ancêtre de PricewaterhouseCoopers.

Au terme d'un deuxième procès - le premier, amorcé en septembre 1998 et présidé par le juge Paul P. Carrière a fini en queue de poisson huit ans plus tard après plus de 1000 journées d'audition en raison de la maladie du magistrat -, la juge Marie St-Pierre a déclaré C&L responsable des pertes des investisseurs parce que la firme, mandataire de la vérification des livres de CH, a publié des états financiers trompeurs.

La poursuite Waddrington a été utilisée comme étalon pour trancher les questions de droit communes aux autres poursuites. La succession a obtenu 6,4 millions et le total des autres actions, intérêts et frais compris, dépasse le 1,5 milliard. La seule réclamation de RSM Richter atteint 100 millions.

C&L a porté le jugement St-Pierre en appel. Ses avocats n'ont pas donné suite à notre demande d'entretien.