Vous connaissez beaucoup d'entreprises de 15 employés qui n'ont pas de président, mais une équipe de développement... en Équateur? Dont le siège social est à Montréal, mais qui teste ses produits à l'Île-du-Prince-Édouard? Et qui recrute ses clients avec l'aide de profs de yoga?

Bienvenue dans l'univers de Mobi360, une entreprise en démarrage qui bâtit ses affaires au gré des occasions et qui a dû faire preuve de beaucoup de mobilité pour rester à flot.

«On a dévié de nos idées initiales, admet Pierre Ravary, chef des opérations financières et chef des opérations de la boîte. À un moment donné, quand on a trop d'obstacles sur son chemin, on essaie de s'ajuster. On navigue à travers tout ça et on trouve des solutions.»

Cet ancien chef de la direction financière de Toon Boom a longtemps agi comme conseiller pour la petite boîte fondée en 2007 par trois jeunes, Bill Coyle, Jonathan Anderson et Alfredo Leon, et qui s'appelait à l'époque SelfBank Mobile.

En janvier dernier, il a décidé de tout laisser tomber pour sauter définitivement dans le bateau.

SelfBank Mobile est née avec une ambition en tête: créer un système de paiement par téléphone cellulaire inspiré de Paypal et capable de remplacer les cartes de crédit.

«L'objectif, c'était d'aller chercher les petits marchands. Les chauffeurs de taxi, les plombiers, qui ne sont pas équipés pour gérer les cartes de crédit», explique M. Ravary.

L'affaire se révèle cependant beaucoup plus complexe que prévu. En ouvrant des comptes dans lesquels ses clients doivent déposer de l'argent avant de payer leurs biens et services par téléphone, la jeune entreprise se retrouve un peu à jouer le rôle d'une banque - avec toutes les contraintes réglementaires que cela entraîne.

«Juste avec le nom, on a eu des problèmes. On n'a pas le droit d'utiliser le nom «bank». Ça, on l'a appris à nos dépens», raconte M. Ravary.

L'entreprise voit même les portes se fermer lorsqu'elle veut ouvrir un simple compte en banque.

«On avait prévu la plupart de ces problèmes, mais on ne s'attendait pas à se faire mettre des bâtons dans les roues à ce point», résume Pierre Ravary.

Malgré les embûches, des investisseurs acceptent de financer la petite boîte. Un ange financier américain mise d'abord un demi-million de dollars. Puis, en juin 2010, une poignée d'anges québécois s'unissent pour mettre 3,2 millions.

Changement de cap

Au début de l'année 2011, les difficultés de percer le secteur bancaire amènent l'équipe à changer de cap. Le nom de l'entreprise devient Mobi360 et le concept change. Nouveau projet: créer un système de marketing sur téléphone cellulaire.

Le virage ne se fait pas sans peine. Comme dans tout bon film sur les entreprises en démarrage, l'un des cofondateurs, Jonathan Anderson, se brouille avec l'équipe et finit par s'en aller.

Mobi360 veut maintenant utiliser l'infrastructure conçue pour les applications bancaires à une nouvelle fin. Son but: remplacer les chèques cadeaux offerts par les marchands.

Pour faire comprendre le concept, Pierre Ravary s'empare de son iPhone et lance une application créée pour DP Murphy, un des plus gros franchisés de restaurants Tim Hortons et Wendys au pays.

M. Ravary y possède un compte personnel Tim Hortons dans lequel il a déposé quelques dollars. En se présentant dans un comptoir participant, il pourra échanger cet argent contre des beignes ou du café sans mettre la main dans son portefeuille. Il n'aura qu'à tendre son iPhone à la caissière, et l'argent sera automatiquement débité du compte de M. Ravary.

L'homme appuie ensuite sur un bouton «faire un cadeau», tape sur un icone de beigne, puis entre le numéro de téléphone de son collègue François Grégoire. Celui-ci fera bientôt irruption dans la salle armée de son propre téléphone: il a reçu le beigne, qu'il pourra réclamer en se rendant à un comptoir participant. Une application lui permet de localiser la succursale la plus près où réclamer son dû.

«Quand on montre ça aux gens de marketing, ils deviennent très excités. Ils ont toutes sortes d'autres idées sur la façon d'utiliser notre plateforme», dit M. Ravary.

Pour l'instant, l'affaire est testée dans le cadre d'un projet pilote dans huit succursales Tim Hortons et Wendys de Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard. Pourquoi si loin?

«C'est l'un de nos employés qui, dans son réseau, connaît le prof de yoga du franchisé DP Murphy», répond Pierre Ravary.

Il offre le même genre de réponse quand on lui demande comment diable l'entreprise s'est retrouvée avec une équipe de cinq développeurs en Équateur, en pleine Amérique centrale.

Cette fois, c'est Alfred Leon, un des cofondateurs de l'entreprise, qui est originaire de ce pays et qui y a recruté des connaissances.

«Ça permet de réduire des coûts. Et on a de la misère à recruter à Montréal. Écrivez qu'on accepte les CV!» lance M. Ravary.

L'objectif, maintenant, est double: décrocher du nouveau financement, et convaincre d'autres franchisés d'utiliser les applications de l'entreprise.

Entre-temps, Mobi360 fonctionne sans président. Pierre Ravary, Bill Coyle et Pierre Bélanger, un vieux routier du monde de la techno recruté par l'équipe, font office de comité de direction. Un ange financier et son associé participent aussi aux décisions.

«On est une drôle de bibitte à trois têtes, ou même à cinq têtes, rigole Pierre Ravary. Mais pour l'instant, ça fonctionne bien et on ne voit pas le besoin de changer ça.»

Fondateurs

Bill Coyle, Jonathan Anderson et Alfredo Leon ont fondé SB Mobile, l'ancêtre de Mobi360.

Président

Curieusement, Mobi360 n'a pas de président. Un comité de direction formé de Pierre Ravary, Pierre Bélanger et Bill Coyle dirige l'entreprise de concert avec les investisseurs.

Investisseurs

Anges financiers américains et québécois

Le concept en 140 caractères

«Offrir aux entreprises un système de communication mobile, productif et rentable, facilitant leur marketing et leurs opérations» Pierre Ravary

Objectifs d'ici un an

Trouver du nouveau financement, conclure des contrats avec des joueurs majeurs et rentabiliser la société.