«L'augmentation inouïe de l'espérance de vie», qui représente la plus grande avancée de la société moderne, pose des défis considérables aux systèmes de retraite de tous les pays.

Le Canada ne fait pas exception.

Un système juste en revanche doit respecter trois principes clés, selon Jean-Claude Ménard, l'actuaire en chef du Bureau du surintendant des institutions financières qui régit le Régime de pensions du Canada, le pendant du Régime des rentes du Québec. «Les trois principes clés d'un système réussi sont l'équité intergénérationnelle, la solidarité et la responsabilité», a-t-il souligné au cours d'une rencontre internationale d'actuaires à Édimbourg.

C'est une équation plus facile à formuler qu'à réaliser, admet-il, surtout dans un contexte d'agitations boursières, qui minent les actifs et de très faibles taux d'intérêt, qui gonflent les passifs des régimes à prestations déterminées (PD) ou les coûts d'achat d'une rente viagère pour les détenteurs d'un régime à cotisations déterminées (CD).

«Il est raisonnable de s'attendre à ce que la société assure à toutes et à tous un niveau minimal de revenu de retraite, qu'elle redistribue le revenu dans une certaine mesure et qu'elle inculque au public des connaissances de base sur la planification de la retraite et l'obligation d'épargner en prévision de la retraite», a-t-il plaidé.

M. Ménard se fait l'ardent défenseur d'un système de retraite à multiples volets: public obligatoire, privé obligatoire ou optionnel, et individuel.

Cela dit, l'espérance de vie accrue exerce beaucoup de pression sur les régimes de retraite. Si l'augmentation de l'âge de la retraite et surtout la suppression des incitatifs à la prise de retraite anticipée sont de nature à l'alléger quelque peu, la conjugaison des pensions à l'espérance de vie assurerait un meilleur partage des risques, quelle que soit la nature du régime.

Au Royaume-Uni, le rapport Hutton recommande l'imposition d'un plafond aux cotisations des employeurs et un mécanisme de partage des coûts avec les employés en cas d'impasse, dans un régime PD.

M. Ménard suggère aussi qu'un participant à un régime CD puisse acheter une rente avant sa retraite plutôt qu'au moment de la prendre. Cela lui permettrait d'atténuer les risques d'un rendement défavorable des placements tout juste avant l'achat de la rente ou celui du coût de la rente causée par la chute des taux d'intérêt.

La présentation de M. Ménard pourra nourrir la réflexion de Québec qui a reçu la semaine dernière les recommandations de la Commission nationale sur la participation au marché du travail des travailleuses et travailleurs expérimentés de 55 ans et plus (C55+).

La C55+ fait le constat que le choc démographique exercera des pressions considérables sur le marché du travail alors que les Québécois prennent leur retraite plus tôt qu'ailleurs au Canada, sans assez d'épargne de surcroît.

Elle recommande d'augmenter la réduction de la rente québécoise à ceux qui prendront leur retraite avant 65 ans tout en bonifiant celle de ceux qui la prendront après. Pareille suggestion va dans le sens de celle faite par l'actuaire en chef du Québec, au printemps. Pierre Plamondon demandait aussi un rajustement à la hausse des cotisations à partir de 2012 dans le but d'assurer la viabilité du régime pour les générations futures.

La C55+ suggère aussi que la cotisation au régime volontaire d'épargne-retraite en voie d'élaboration devienne graduellement obligatoire, tant pour l'employé que pour l'employeur, s'il ne parvenait pas à augmenter assez le taux d'épargne des futurs retraités.

Cette recommandation s'appuie sur le constat que plus des deux tiers des travailleurs du secteur privé sont sans régime de retraite d'employeur.

Cette suggestion est mal reçue par le Conseil du patronat du Québec. L'organisme y voit une nouvelle obligation imposée aux employeurs au moment où leurs cotisations au Régime des rentes sont appelées à augmenter.

Ce ne sera pas le cas pour les employeurs ailleurs qui contribuent au Régime de pensions du Canada.

M. Ménard, qui en est l'actuaire, a mis en place avant Québec des réductions de rente plus prononcées pour freiner les retraites anticipées et empêcher qu'elles ne grugent la réserve du régime, étant donné l'espérance de vie accrue.