L'idée développée par Chris Hughes et ses colocs de l'université - oui, il était dans la même chambre que Mark Zuckerberg - vaudrait maintenant 100 milliards de dollars. C'est environ 50 fois les profits annuels de Facebook, mais son cofondateur ne craint pas pour autant une bulle techno.

> Suivez Vincent Brousseau-Pouliot sur Twitter

«Il y a une différence entre l'enthousiasme d'un boom et la folie d'une bulle. Il y a des ratios élevés présentement, mais les entreprises de techno ont toujours eu des évaluations boursières élevées. Au cours de la bulle techno des années 2000, on voyait des évaluations boursières folles, des entreprises qui se finançaient à coups de 100 millions de dollars. Cette fois-ci, vous voyez des revenus et des possibilités de profits», a dit Chris Hughes en entrevue exclusive à La Presse Affaires.

N'empêche: les actions de Facebook, dont l'entrée à la Bourse pourrait avoir lieu dès l'an prochain, s'échangeraient actuellement à environ 50 fois leurs profits annuels sur les marchés privés, contrairement à un ratio de 12,9 fois pour l'indice boursier S&P 500. «Il y a probablement des évaluations un peu plus élevées qu'elles ne devraient l'être actuellement dans le secteur des technos, mais nous ne sommes pas dans une bulle», dit Chris Hughes, qui a prononcé hier midi un discours devant 650 personnes au Palais des congrès de Montréal à l'invitation de la chambre de commerce du Montréal métropolitain.

D'entrée de jeu, l'entrepreneur de 28 ans a déridé son auditoire - plus jeune qu'à l'habitude pour un dîner de chambre de commerce - en parlant du film The Social Network. Au grand écran, Chris Hughes est de loin le plus effacé des quatre cofondateurs de Facebook. «On a l'impression que je ne faisais que regarder la télé, dit Chris Hughes, dont la fortune personnelle est évaluée à 700 millions US. La vraie histoire de Facebook est différente du film. Notre chambre était beaucoup plus petite, il n'y avait pas de sexe dans la salle de bains, l'alcool ne coulait pas à flots et l'idée de Facebook n'a pas été volée à deux gars qui ressemblent à des dieux grecs...»

Il parlera ensuite de ses compagnons d'armes de la première heure chez Facebook. Du grand manitou Mark Zuckerberg, toujours sceptique face à la pensée conventionnelle. «Ne vous laissez pas influencer par sa gêne sociale car Mark a une capacité incroyable d'apprendre de ceux qui sont autour de lui», dit-il. De son coloc informaticien Dustin Moskovitz. De l'investisseur Peter Thiel qui leur a donné leur première chance. De l'entrepreneur Sean Parker qui s'est joint au groupe en Californie. «Il a amené de l'expérience à notre groupe de jeunes entrepreneurs, mais pas d'appletinis comme dans le film!», dit-il. Pas un mot toutefois sur Eduardo Severin, le mouton noir des cofondateurs de Facebook qui a finalement réglé ses différends judiciaires à l'amiable.

L'ami d'Obama

À la fin de 2006, Chris Hughes a quitté temporairement Facebook pour travailler avec un certain Barack Obama comme responsable des médias sociaux de sa campagne présidentielle. Son équipe a récolté 500 millions US en dons (sur 850 millions US) et 13 millions de partisans sur les réseaux sociaux. «Une personne sur cinq qui a voté pour lui», illustre Chris Hughes, qui ne sera pas de la prochaine campagne présidentielle en 2012. «Si le président Obama montre clairement les différences entre lui et les autres candidats au sujet de l'économie et de la création d'emplois, il n'y a aucun doute dans mon esprit qu'il sera en excellente position pour gagner», dit-il.

Après l'élection d'Obama, Chris Hughes ne retourne pas chez Facebook, dont il est toujours l'un des actionnaires les plus importants. En 2010, il a fondé Jumo, un réseau social qui évalue les organismes de bienfaisance. Il donne aussi des conseils aux entreprises sur les réseaux sociaux. «Il n'y a pas qu'une seule bonne façon d'utiliser les médias sociaux, dit-il. Vous devez engager des spécialistes et, surtout, bien les intégrer dans l'entreprise.»

Avis aux accros à Facebook: même Chris Hughes l'admet, il y a parfois des limites à se brancher au réseau social le plus célèbre au monde. «On doit rester en contrôle, dit-il. Parfois, c'est bien de manger sans regarder son téléphone, de passer une journée presque complète sans être devant son écran d'ordinateur ou sans publier constamment ce qu'on fait. Le week-end, j'essaie de ne pas regarder mon téléphone toutes les deux minutes...»