Quebecor est déçue des nouvelles règles sur la convergence au petit écran. «Nous nous questionnons sur le danger d'aller vers ce qui nous apparaît comme de l'hyper règlementation plutôt que la dérèglementation», dit Serge Sasseville, vice-président des affaires corporatives et institutionnelles de Quebecor.

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Non seulement le conglomérat dirigé par Pierre Karl Péladeau ne voulait pas de nouvelles règles balisant la convergence, mais il demandait au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de dérèglementer les distributeurs canadiens par souci d'équité envers les distributeurs étrangers sur internet comme Netflix et Apple TV qui ne sont pas assujettis aux règles du CRTC. Dans les deux cas, Quebecor a essuyé un refus de l'organisme fédéral. «Nous trouvons dommage que le CRTC ait escamoté la question des distributeurs étrangers, dit Serge Sasseville. Ces distributeurs comme Netflix, Apple TV et Hulu ne sont pas assujettis à la réglementation et ont le droit de faire des ententes exclusives. Un exemple frappant: NetFlix peut faire une entente d'exclusivité avec Star Académie, mais pas Vidéotron.»

Dorénavant, les conglomérats du petit écran ne pourront plus se réserver l'exclusivité de leurs émissions de télé sur le web et sur les téléphones portables, a décrété mercredi le CRTC. Les conglomérats seront aussi soumis à un code interdisant les pratiques anticoncurrentielles. En clair, il sera interdit de favoriser ses chaînes de télé.

Selon Quebecor, le CRTC ne pourra pas ignorer longtemps les conséquences de l'arrivée de distributeurs étrangers comme Netflix, disponible depuis un an au Canada. «La décision du CRTC peut paraître avantageuse à première vue pour les consommateurs, mais si on ne permet pas aux entreprises canadiennes de concurrencer adéquatement les entreprises étrangères, leurs revenus vont diminuer en flèche tout comme les redevances au Fonds des médias du Canada, dit Serge Sasseville. Si tout le système télévisuel canadien est fragilisé par ce phénomène dans quelques années, ce n'est pas si certain que la décision aura été si favorable que ça aux consommateurs.»

Quebecor se donne encore quelques jours pour analyser la décision du CRTC. Dès l'annonce de la décision mercredi après-midi, son concurrent Bell a fortement dénoncé les nouvelles règles sur la convergence, n'excluant pas de les contester en cour. «C'est malheureux qu'il y ait tellement de nouvelles règles pour empêcher l'innovation et le dynamisme», dit Mirko Bibic, chef des affaires réglementaires de Bell.

Les deux autres conglomérats du petit écran, Rogers et Shaw, ont plutôt applaudi le virage du CRTC. «Une victoire pour les consommateurs», dit Phil Lind, vice-président du conseil d'administration de Rogers. «Il y aura normalement moins de conflits commerciaux avec ces nouvelles règles, dit Peter Bissonnette, président de Shaw Communications. Les entreprises qui négocieront de façon raisonnable vont réussir à s'entendre.»

Ensemble, Quebecor, Bell, Rogers et Shaw représentent 67% des revenus des chaînes de télé et 79% des abonnés au câble à la télé satellite au pays. «C'est normal qu'il y ait de l'intégration verticale en raison de la taille du marché canadien, mais il faut des règles pour que le consommateur ne soit pas pénalisé», dit Michel Arpin, l'ancien vice-président du CRTC devenu professeur de communications à l'Université de Montréal.