Le CRTC serre la vis aux conglomérats du petit écran. Pas le droit de se garder l'exclusivité d'émissions de télé - dont les matchs de la LNH - pour ses abonnés sur l'internet ou sur le téléphone portable. Pas le droit de faire du favoritisme. Obligation d'offrir ses chaînes spécialisées aux mêmes conditions concurrentielles à tous les distributeurs. Et, surtout, pas le droit de prendre les consommateurs en otage en retirant une chaîne durant des négociations qui tournent mal.

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Le CRTC serre la vis aux conglomérats du petit écran. Pas le droit de se garder l'exclusivité d'émissions de télé - dont les matchs de la LNH - pour ses abonnés sur l'internet ou sur le téléphone portable. Pas le droit de faire du favoritisme. Obligation d'offrir ses chaînes spécialisées aux mêmes conditions concurrentielles à tous les distributeurs. Et, surtout, pas le droit de prendre les consommateurs en otage en retirant une chaîne durant des négociations qui tournent mal.

Dans une décision rendue hier, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a adopté plusieurs nouvelles règles pour baliser la convergence à la télévision et sur les nouveaux médias, dont un code de déontologie visant à empêcher les pratiques anticoncurrentielles. «Si tout le monde agit en conformité avec le code, il n'y aura pas de problèmes. Sinon, nous pourrons intervenir à la demande d'une partie si un concurrent fait du favoritisme. La dernière chose que nous voulons faire, c'est intervenir dans les négociations. Nous voulons que les parties s'entendent entre elles et ce code les encouragera à le faire», a dit le président du CRTC, Konrad von Finckenstein, en entrevue à La Presse Affaires.

Pour contrer les abus

Ensemble, Quebecor, Bell, Rogers et Shaw représentent 67% des revenus des chaînes de télé et 79% des abonnés au câble ou à la télé satellite au pays. «Il y a une maintenant une concentration sans précédent pouvant se traduire en davantage d'innovation, mais ouvrant aussi la porte à des abus de pouvoir qui pourraient faire souffrir les petits acteurs et les consommateurs», dit Konard von Finckenstein.

La mesure la plus percutante annoncée hier pour contrer d'éventuels abus? Les conglomérats ne peuvent offrir leurs émissions de télévision en exclusivité à leurs abonnés sur le web et sur téléphone portable. À titre d'exemple, Bell ne peut pas garder les matchs du Canadien à RDS seulement pour ses abonnés sur le web et sur téléphone portable. Les matchs du Canadien devront être disponibles aux mêmes conditions pour tous les distributeurs sur le web et sur téléphone portable. Seule exception permise: une émission produite exclusivement pour les nouveaux médias et qui n'est donc pas diffusée à la télé.

Le CRTC empêche aussi le retrait d'une chaîne existante durant les négociations d'une entente de distribution. Quant aux nouvelles chaînes, elles doivent être offertes aux mêmes conditions concurrentielles à tous les distributeurs. Si les parties ne s'entendent pas, le CRTC pourra trancher en arbitrage à la demande de l'une d'entre elles. «Comme vous ne pouvez pas retirer une chaîne, vous ne pouvez pas prendre le consommateur en otages durant des négociations. C'est très important», dit Phil Lind, vice-président du conseil d'administration de Rogers, qui qualifie la décision du CRTC de «victoire pour les consommateurs».

L'optimisme de Rogers, le moins intégré des quatre conglomérats, n'est pas partagé par Bell, qui n'exclut pas de contester la décision du CRTC en cour. «C'est malheureux qu'il y ait tellement de nouvelles règles qui empêcheront l'innovation et le dynamisme. Le CRTC pourra réglementer les prix dès qu'il y aura une petite dispute. Il y a beaucoup d'erreurs dans cette décision. Il est temps qu'on examine le rôle du CRTC», dit Mirko Bibic, chef des affaires réglementaires de Bell, en entrevue à La Presse Affaires.

Dans la décision d'hier, le mécanisme de règlement des différends du CRTC est aussi renforcé. En cas de plainte pour pratiques anticoncurrentielles, le fardeau de la preuve est renversé: c'est le conglomérat faisant l'objet de la plainte qui devra prouver avoir respecté le code de déontologie.

Pour garantir la survie des diffuseurs indépendants, le CRTC exige que les distributeurs offrent 25% de chaînes spécialisées indépendantes n'étant pas la propriété des quatre conglomérats.

Les distributeurs ne seront pas obligés d'offrir un service de câble de base à un prix moins cher, mais le CRTC souhaite plus de latitude dans le choix de leurs forfaits. Son président cite en exemple les forfaits sur demande de Vidéotron au Québec. «Ils sont certainement plus conviviaux pour les consommateurs que ceux d'autres distributeurs, dit Konrad von Finckenstein. Nous voulons que tous les distributeurs se rapprochent le plus possible d'un modèle de forfaits sur demande.» Les quatre conglomérats devront soumettre d'ici avril un rapport sur la question au CRTC, qui pourrait réévaluer la question s'il n'est pas satisfait des progrès effectués.

Le CRTC a choisi d'étudier la question de la convergence à la télé après le rachat de CTVglobemedia par Bell et de Canwest Global par Shaw en 2010. Sa décision d'hier a déçu Bell, mais a réjoui les distributeurs comme Cogeco et TELUS qui ne possèdent pas de chaînes de télé. «La liberté de choix, la richesse du contenu canadien et la concurrence juste et équitable l'ont emporté», a indiqué Louis Audet, président et chef de la direction de Cogeco Câble, par voie de communiqué. «Le consommateur pourra obtenir son contenu sur toutes les plateformes sans avoir à s'abonner à plusieurs distributeurs», dit Ann Mainville-Neeson, directrice en matière de réglementation de la radiodiffusion chez TELUS.

Quebecor réagira aujourd'hui à la décision du CRTC.