Après avoir investi 2 milliards en 10 ans pour soutenir la recherche en génomique, le Canada veut maintenant voir un renvoi d'ascenseur de la part des chercheurs: des retombées commerciales.

Génome Québec, Génome Canada et l'Université Laval annonceront aujourd'hui un nouveau programme destiné à transformer les découvertes scientifiques de la génomique - cette science qui plonge au coeur des gènes pour comprendre les êtres vivants - en succès commerciaux.

«Au Canada, nous avons beaucoup dépensé en génomique et nous avons bâti un important portefeuille de projets. Maintenant, on demande aux chercheurs de nos programmes de regarder les éventuelles retombées économiques de leur recherche pour le Canada», explique Pierre Meulien, président et chef de la direction de Génome Canada, en entrevue à La Presse Affaires.

L'affaire est loin d'être anodine puisqu'elle s'attaque à l'une des grandes lacunes du Canada en innovation: le passage de la science des laboratoires universitaires aux entreprises.

Dans le cas de la génomique, les recherches en cours pourraient conduire autant à des nouveaux médicaments orientés selon le profil génétique des patients qu'au développement de biocombustibles, en passant par des applications en agriculture, foresterie et traitement des eaux.

Mais comment s'assurer que cette fois, les retombées commerciales seront au rendez-vous?

Génome Canada a fait le pari de poser la question aux acteurs de l'industrie. Afin de générer des idées, un concours a été lancé. Trois projets ont été retenus, dont l'un sera annoncé aujourd'hui.

Intitulé BEST, pour Boosting Entrepreneurial Skills and Training, ce programme s'adresse aux chercheurs du Québec et des Maritimes.

Denis Garand, chercheur en entrepreneuriat à l'Université Laval, en sera la tête dirigeante. Son équipe compte autant des experts en génomique qu'en développement des affaires de l'École polytechnique de Montréal, de l'UQAM et de l'Université de Sherbrooke.

Les entreprises y participent aussi par l'entremise de Montréal InVivo, la grappe des sciences de la vie de la métropole, et du Centre québécois de valorisation des biotechnologies.

L'équipe de M. Garand bénéficiera d'un financement de 1,12 million de dollars, dont 50% provient de Génome Canada, 25% de Génome Québec et 25% d'autres partenaires.

Que feront ces gens exactement?

«La première étape, ce sera de faire l'inventaire des projets en cours, répond Denis Garand. On va aussi faire passer des tests aux chercheurs - on estime qu'il y en a entre 450 et 600 au Québec et dans les Maritimes - pour identifier lesquels ont un potentiel entrepreneurial.»

Ces chercheurs qui semblent avoir des aptitudes pour les affaires feront l'objet d'un encadrement spécial. Des activités de sensibilisation et d'éducation à l'entrepreneuriat seront offertes aux autres.

Selon les estimations du chercheur, entre 10 et 15 projets de génomique sont assez avancés pour être déjà orientés vers la commercialisation. Les équipes qui les dirigent seront mises en contact avec des gens de l'industrie et des financiers pour les aider à percer le marché.

Selon Catalina Lopez-Correa, vice-présidente aux affaires scientifique chez Génome Québec, trois créneaux d'excellence découlant de l'étude des gènes ont un potentiel commercial particulièrement prometteur au Québec: le développement de médicaments personnalisés, la foresterie et les biocombustibles.

En guise d'exemple, elle cite les travaux du chercheur John Mackay, de l'Université Laval, qui utilise des marqueurs génétiques pour sélectionner les arbres et augmenter le rendement des forêts.

«C'est le genre de chose qui pourrait devenir essentielle à l'industrie forestière québécoise», dit-elle.

Les acteurs du programme BEST font toutefois un avertissement: les retombées des recherches en génomique peuvent être longues, et il ne faut pas s'attendre à voir des dizaines d'entreprises émerger soudainement des laboratoires universitaires.

Mme Lopez-Correa aime comparer la situation à celle d'Israël, un petit pays qui compte le plus haut taux de création d'entreprises au monde.

«Là-bas, tous les chercheurs veulent lancer leur entreprise. Ils voient très, très loin. Au Québec, on voit une excellence scientifique qui est incomparable. Je crois qu'avec le projet de M. Garand, on va ajouter cette composante d'entrepreneuriat qu'on voit en Israël et nous rendre beaucoup plus compétitifs sur la scène internationale.»

Génome Canada spécifie déjà que «si les projets choisis produisent les retombées scientifiques attendues, ils formeront la base d'un programme national récurrent».