Rarement, l'actualité économique et financière n'aura évolué plus rapidement que durant l'été qui s'achève.

Tout aussi rarement, le scénario sur lequel se fonde la Banque du Canada pour l'élaboration de sa politique monétaire n'aura paru aussi caduc, à la veille de sa date de fixation de son taux directeur.

Le 19 juillet dernier, la Banque le reconduisait à 1% une nouvelle fois, mais prévenait qu'elle «réduira en partie la détente monétaire considérable en place».

Le 31 mai, elle avait annoncé plutôt sa réduction «le moment venu».

Le retrait de cette petite locution circonstancielle de temps avait amené la plupart des parieurs à se disputer entre un premier tour de vis en un an, dès septembre ou en octobre au plus tard.

Plus personne aujourd'hui ne croit à une hausse avant l'été 2012, au plus tôt. Il s'en trouve même beaucoup à miser sur une baisse, dès l'hiver.

Même le Comité de politique monétaire fantôme de l'Institut C.D. Howe, pourtant très sensible aux velléités inflationnistes présentes, recommande à l'unanimité le maintien du taux directeur à 1% pour le reste de l'année.

Il ne fait plus aucun doute que les emprunteurs auront des conditions avantageuses exceptionnelles pendant encore plusieurs mois, s'il n'en tient qu'à notre banque centrale. Elle s'inquiète pourtant du niveau élevé d'endettement des ménages.

La Banque tablait en juillet sur une croissance réelle annualisée de 1,5% de l'économie canadienne. Elle aura plutôt reculé de 0,4%. (On note cependant une croissance de 2,0% de la taille de l'économie, si on la mesure en dollars d'aujourd'hui pour refléter l'appréciation des prix des matières premières durant le printemps.)

Aux États-Unis

C'est cependant les risques extérieurs qui se sont surtout accrus depuis la mi-juillet.

Du côté américain, premier marché de nos exportateurs, le choc estival a été brutal: révision prononcée de la croissance depuis le début de l'année et même depuis la récession, psychodrame au Congrès autour du relèvement du plafond de la dette qui a laissé pantois consommateurs et investisseurs, décote de la qualité de la dette américaine par Standard&Poor's et, surtout, taux de chômage qui s'accroche au-dessus des 9%.

Devant cette situation, la Réserve fédérale a jugé opportun d'annoncer conditionnellement le gel de son taux directeur au moins pendant deux ans. Il évolue dans une fourchette de 0% à 0,25% depuis décembre 2008.

L'engament de la Fed limite la marge de manoeuvre de notre banque centrale, si le passage à vide du printemps devait être suivi par une certaine accélération de la croissance. Tout nouveau tour de vis renforcerait le huard et affaiblirait la position concurrentielle des manufacturiers exportateurs.

Le 26 août, le président de la Fed Ben S. Bernanke a en outre indiqué à Jackson Hole que la prochaine réunion du Comité de politique monétaire durerait deux jours plutôt qu'un, afin de jauger de nouvelles initiatives de détente monétaire non orthodoxes. Il n'a pas précisé lesquelles.

Risques chinois et européens

Dans le contexte présent, ce n'est toutefois pas le risque le plus grand. La gestion de la dette souveraine européenne inquiète au point de faire la joie des spéculateurs. Ils parient sur l'éclatement de la zone euro en usant massivement du dangereux produit dérivé qu'est le swap de défaillance (CDS). Cela a pour effet d'augmenter les coûts d'emprunts des pays les plus faibles.

Et puis, il y a le risque chinois. La deuxième économie du monde ralentit comme souhaité par sa banque centrale qui cherche à contenir l'inflation à 4%. Mais négocier un ralentissement est toujours un exercice délicat.

C'est seulement le 26 octobre que la Banque du Canada refondra son scénario économique, sur la base d'une nouvelle évaluation du potentiel de l'économie canadienne.

C'est une raison suffisante, pour les non-spéculateurs, de maintenir le statu quo, demain.