Au deuxième trimestre, marqué par la chute de la valeur des exportations et par la poussée du huard, la balance des paiements internationaux du Canada s'est nettement détériorée.

Le déficit s'est aggravé de 5,3 milliards, à hauteur de 15,3 milliards, a indiqué Statistique Canada, hier.

Il s'agit du pire montant depuis l'affreux trou de 17,88 milliards du troisième trimestre de 2010. Il équivaut à de 3,4 à 3,6% de la taille de l'économie..

On en aura le coeur net aujourd'hui avec la publication des données sur le produit intérieur brut, nominal et réel, pour avril, mai et juin, période au cours de laquelle l'économie a au mieux stagné.

L'agence fédérale a aussi porté le déficit du premier trimestre de 8,9 à 10,0 milliards, par suite de révisions de la balance commerciale. Cela équivaut à 2,4% du PIB selon les données publiées jusqu'ici, mais la révision du déficit du compte courant suggère que la croissance annualisée du premier trimestre, estimée jusqu'ici à 3,9%, pourrait à son tour être un peu diminuée ce matin.

Il serait fort étonnant cependant que cette diminution soit aussi considérable que celle annoncée le 28 juillet par le Bureau of Economic Analysis. Il avait alors ramené de 1,3% à 0,4% la croissance américaine pour de janvier à mars. Cela attise depuis les craintes d'une rechute en récession de la première économie du monde.

Exportations à la baisse

De ce côté-ci de la frontière, la détérioration de la balance des paiements est attribuable à la baisse des exportations nettes de biens, passées d'un surplus à un déficit, et à une aggravation du déficit des services, notamment du compte voyages.

«La diminution des exportations nettes pourrait contribuer à réduire le PIB réel d'environ 4% (à rythme annualisé), calcule Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins. Plusieurs composantes de la demande intérieure devraient contribuer positivement, dont les dépenses de consommation.»

Faibles exportations ou emplettes transfrontalières, la force du huard est en cause: elle nuit aux exportateurs et incite les Canadiens à dépenser à l'étranger pour tirer parti de leur pouvoir d'achat. «Les voyages d'un jour aux États-Unis, sans doute pour magasiner, ont grimpé de 4,1% au deuxième trimestre et atteint leur niveau le plus élevé en 13 ans, souligne Benjamin Reitzes, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux.

La faiblesse des exportations s'explique aussi par des facteurs conjoncturels: les grands feux de forêt en Alberta ont freiné la production (et l'exportation) d'hydrocarbures tandis que les catastrophes japonaises ont rompu l'approvisionnement de quelques constructeurs d'autos ontariens.

Perspectives divergentes

«Pour l'avenir, les perspectives du compte courant sont divergentes, note Emanuella Enenajor, économiste chez CIBC. La plus forte production d'autos et d'énergie peut-être entravée au moins en parie par la baisse des prix des produits de base.»

Bref, le compte courant n'est pas appelé à se redresser prochainement, du moins pas avant que la croissance mondiale ne se raffermisse. «Cela signifie que le dollar canadien continuera de dépendre des afflux de capitaux au cours des prochaines années et est à la merci d'une baisse (et de la volatilité) en cas de changement d'humeur», précise Krishen Ranfasamy, économiste à la Banque Nationale.

Chose certaine, ces afflux n'ont pas manqué au deuxième trimestre. Les investisseurs étrangers ont injecté 19,4 milliards dans l'économie canadienne, surtout dans l'achat de la dette canadienne, jugée sûre, en raison de la maîtrise des finances publiques. Il s'agissait du 10e trimestre d'affilée d'investissement enregistré à ce chapitre, précise l'agence fédérale

Les investisseurs directs étrangers, surtout des États-Unis, se sont aussi montrés actifs, en acquérant surtout des sociétés minières et énergétiques.

Quant aux investissements directs canadiens à l'étranger (4,6 milliards), ils ont été concentrés dans les sociétés financières.