Comme des milliers de Québécois qui captent les signaux de la télé grâce à des oreilles de lapin, France Lalonde achètera un syntoniseur numérique. Elle ne compte pas s'abonner au câble pour l'instant. «Je ne regarde pas la télévision assez souvent pour m'abonner», dit cette employée du collège Édouard-Montpetit.

Julie Chrétien-Proulx, elle, troquera plutôt ses oreilles de lapin contre un nouveau téléviseur avec syntoniseur numérique intégré. Mais elle n'a pas non plus l'intention de devenir cliente d'un câblodistributeur. «Avec ma nouvelle télé, je pourrai capter une douzaine de chaînes au lieu de six actuellement, dit-elle. Je n'ai pas besoin du câble. Je regarde parfois des émissions en fin de soirée et des films qui commencent tard, mais je suis surtout sur Netflix.» À quelques jours de la date limite du 31 août, elle doit arrêter son choix bientôt sur un téléviseur. «Je ne capte déjà plus certaines chaînes, et d'autres font des tests à partir de minuit», dit-elle.

Les distributeurs sont bien conscients du fait qu'ils ne réaliseront pas des affaires d'or à la suite du passage du signal analogique au numérique le 1er septembre. «Nous ne prévoyons pas une arrivée massive de nouveaux clients», dit René Guimond, vice-président des affaires publiques et des communications de Cogeco, qui a 875 000 clients au Québec et en Ontario. «Cette conversion représente une occasion d'affaires», dit Amélie Cliche, porte-parole de TELUS. «C'est difficile d'estimer le nombre de clients que nous gagnerons en raison du passage au numérique, mais nos offres sont très concurrentielles», dit Marie-Ève Francoeur, porte-parole de Bell.

Une preuve de leurs attentes modestes? Les entreprises de distribution n'offrent aucune promotion particulière aux consommateurs qui regardent actuellement le petit écran grâce à des oreilles de lapin. «Nous avons des offres intéressantes et avantageuses en tout temps, mais pas particulièrement pour le passage au numérique», dit Élodie Girardin-Lajoie, porte-parole de Vidéotron. Tous inscrits en Bourse, Cogeco, Bell, TELUS et Vidéotron (par le truchement de Quebecor) indiqueront le nombre de clients qu'ils auront gagnés cet été lorsqu'ils publieront leurs résultats financiers, plus tard à l'automne.

Pour l'instant, ce sont les magasins d'appareils électroniques qui profitent de la manne avec la vente de syntoniseurs. «Nous vendons énormément de syntoniseurs numériques. Il arrive régulièrement qu'on manque de stock, mais nous en recevons tous les deux jours», dit Patrick Lavoie, porte-parole de Best Buy Canada. «Ça se vend bien. Ça fait déjà plusieurs mois qu'on voit croître l'intérêt des clients pour les syntonisateurs numériques», dit Thierry Lopez, porte-parole de Future Shop au Québec.

Le 1er septembre sera une journée comme les autres pour les abonnés au câble et à la télé par satellite.

Après la date fatidique du 31 août, les câblodistributeurs comme Vidéotron et Cogeco continueront d'offrir le câble analogique, car la nouvelle restriction du CRTC ne s'applique qu'aux diffuseurs généralistes comme Radio-Canada et TVA. Quant aux abonnés de Bell et TELUS, ils ne sont pas touchés par le passage au numérique, car leurs distributeurs n'utilisent pas la technologie analogique.

Depuis des années, les câblodistributeurs tentent de convaincre leurs clients de passer au numérique. À titre d'exemple, Vidéotron n'offrira que le câble analogique de base à ses clients en Outaouais dans quelques mois. «La technologie analogique est très lourde. Sur l'espace qu'occupe une chaîne analogique, nous pouvons transmettre 10 chaînes numériques ou encore 2 chaînes numériques haute définition», dit Élodie Girardin-Lajoie, porte-parole de Vidéotron. «Le numérique nous permet une utilisation plus efficace de la bande passante, comme un service internet haute vitesse plus rapide et davantage de chaînes de télé haute définition», dit René Guimond, vice-président des affaires publiques et des communications de Cogeco.

Le tiers des clients de Vidéotron, au Québec, reçoivent un signal analogique (600 000 de son 1,8 million de clients). C'est le cas de 25% de la clientèle de son concurrent Cogeco (environ 220 000 des 875 000 clients qu'il compte au Québec et en Ontario). «L'analogique n'est pas la technologie de l'avenir, mais nous voulons offrir le choix à nos clients», dit Élodie Girardin-Lajoie, porte-parole de Vidéotron.