Le numéro un mondial des ordinateurs Hewlett-Packard s'est effondré vendredi à la Bourse de New York, les investisseurs accueillant avec inquiétude le brusque changement de cap du groupe, censé pourtant le réorienter vers des activités plus lucratives.

L'action de la société californienne a plongé de 20,03% à 23,60 dollars sur le New York Stock Exchange, soit plus de 12 milliards de dollars de capitalisation boursière partis en fumée. Le titre, qui avait déjà chuté de 5,99% jeudi, évolue à son plus bas niveau en six ans.

Les investisseurs ont vécu comme un choc la refonte du groupe annoncée en catastrophe jeudi en fin de séance boursière, alors que les rumeurs se multipliaient.

Ce changement de stratégie, rendu public en même temps qu'une nette révision à la baisse des prévisions financières du groupe pour son exercice annuel, contient de nombreux «signaux alarmants», ont estimé les analystes de la Deutsche Bank, qui ont conseillé à leurs clients de vendre l'action.

«Nous nous posons des questions sur le calendrier des décisions stratégiques (...), en pleine détérioration du coeur des opérations de HP», ont-ils ajouté.

Dans l'immédiat, le groupe informatique va racheter l'éditeur britannique de logiciels Autonomy, valorisé 10,24 milliards de dollars. Il arrête de produire sa tablette informatique TouchPad et les téléphones multifonctions utilisant le système d'exploitation webOS, acheté 1,2 milliard de dollars à Palm en 2010, ces produits n'ayant pas trouvé leur public.

Ces annonces témoignent de la volonté du groupe, réputé pour son matériel, de mettre l'accent sur les logiciels et les services, des secteurs jugés plus porteurs de croissance que le marché des ordinateurs individuels, ébranlé par le succès des tablettes informatiques.

Cette transformation, qui rappelle le tournant pris par IBM en 2004, pourrait prendre un tour encore plus spectaculaire, HP ayant reconnu qu'il réfléchissait à l'avenir de ses activités de fabrication de PC, qui pourraient être vendues.

«Nous sommes inquiets du fait que HP pourrait essayer de faire trop de choses en même temps», a estimé Shaw Wu, de Sterne, Agee & Leach.

Pour cet analyste, «même si nous approuvons la logique stratégique», elle présente des risques: l'incertitude qui entoure l'activité ordinateurs pourrait affecter son activité, et il sera plus difficile d'obtenir un bon prix pour cette division maintenant qu'il est officiel que HP cherche à s'en débarrasser.

Les agences d'évaluation Standard & Poor's et Moody's ont abaissé la perspective de la note de solvabilité du groupe à «négative».

Moody's a mis en avant le «niveau d'incertitude» après ces annonces, et «une augmentation de son endettement» lié au rachat d'Autonomy.

Les observateurs ont critiqué le coût élevé de l'acquisition de la société britannique, un éditeur fondé en 1996 pour tirer profit de technologies développées à l'université de Cambridge, qui aident les entreprises à mieux gérer et exploiter d'énormes masses de données.

«Sur le plan stratégique, le rachat d'Autonomy a du sens», mais «HP paye 10 milliards de dollars pour une activité qui va représenter 1% de son chiffre d'affaires et 5% de son bénéfice d'exploitation», ont relevé les analystes de Credit Suisse.

«Dans le passé, beaucoup d'acquisitions (faites par HP) ont été des catastrophes», a rappelé de son côté Gregori Volokhine, de Meeschaert Capital Markets, expliquant le scepticisme des investisseurs.

Dernier exemple en date, a relevé l'analyste: Palm, racheté l'année dernière pour 1,2 milliard de dollars dans le but de récupérer son système d'exploitation OS, qui équipait les tablettes et téléphones que HP a décidé jeudi d'arrêter.