Après avoir raflé un nouveau financement de 40 millions, la boîte montréalaise de biotechnologies Enobia songe maintenant à la prochaine étape: une inscription en Bourse aux États-Unis.

«Nous regardons la possibilité de nous inscrire en Bourse, a révélé à La Presse Affaires le président et chef de la direction d'Enobia, Robert Heft. Nous allons surveiller comment se comportent les marchés, mais j'ai rencontré beaucoup d'investisseurs lors de notre dernière ronde de financement et j'ai confiance que si le marché se stabilise, plusieurs d'entre eux souhaiteront participer à un premier appel public à l'épargne.»

M. Heft affirme qu'Enobia pourrait passer à l'action dès le «début de l'an prochain». Et c'est la Bourse technologique américaine NASDAQ, non le TSX croissance, qui intéresse la boîte montréalaise.

«Cet appel public à l'épargne devra être assez substantiel en matière de dollars récoltés, et le fait est qu'il est plus facile de récolter ce type d'argent sur le NASDAQ que sur le TSX», explique M. Heft.

Enobia tente de mettre au point un médicament contre l'hypophosphatasie, une maladie des os extrêmement rare. Le projet a suscité l'intérêt d'une large gamme d'investisseurs. Enobia a annoncé cette semaine un nouveau financement de 40 millions US provenant d'investisseurs des «secteurs pharmaceutique et financier» dont l'identité a été tenue secrète. Depuis 2007, la boîte montréalaise a récolté près de 200 millions. L'entreprise, qui compte aujourd'hui 70 employés, aura toutefois besoin de fonds supplémentaires si elle veut commercialiser le médicament, d'où l'idée de s'inscrire en Bourse.

Une autre option s'offre aussi à Enobia.

«Il arrive que les grandes entreprises pharmaceutiques regardent les petites biotechs qui veulent s'inscrire en Bourse et décident de les acheter avant qu'elles ne passent à l'action. Si nous recevions une offre jugée intéressante pour nos investisseurs, il est certain que nous la considérerons», dit M. Heft.

Une histoire canadienne

Née dans les laboratoires de l'Université de Montréal, Enobia croit avoir découvert une molécule capable de reminéraliser les os des patients atteints d'hypophosphatasie, une maladie héréditaire potentiellement mortelle pour laquelle il n'existe actuellement aucun traitement. La maladie est extrêmement rare.

«Nous n'avons pas de chiffres précis, mais nous croyons qu'il y aurait plusieurs milliers de patients dans le monde», dit M. Heft.

Le produit d'Enobia a déjà été déclaré médicament orphelin aux États-Unis et en Europe. La Food and Drug Administration américaine a accordé 1,2 million en subventions à l'entreprise pour le mettre au point, une somme qui sera bientôt renouvelée.

Enobia teste actuellement le médicament sur des patients dans plusieurs études de phase II. Il s'agit habituellement de la deuxième des trois étapes que doivent franchir les médicaments avant d'être commercialisés, mais Enobia espère pouvoir profiter du fait que les patients ne peuvent actuellement compter sur aucun traitement pour éviter les études de phase III.

«Nous discutons actuellement de ça avec les autorités aux États-Unis et en Europe. Pour les médicaments orphelins, il faut montrer que les études sont adéquates et bien contrôlées. Notre espoir est qu'il sera possible de démontrer ça avec les études actuellement en cours.»

Fait intéressant, l'hypophosphatasie a été détectée pour la première fois au Canada, et la communauté la plus touchée dans le monde par la maladie est celle des Ménonites canadiens, surtout présents dans les Prairies.

«C'est une histoire canadienne, dit M. Heft, et nous espérons maintenant que le premier médicament sera commercialisé par une entreprise canadienne.»