On ne l'appelle par le géant de Redmond pour rien. Microsoft est le poids lourd mondial du logiciel. Ça ne satisfait pourtant pas sa haute direction: Steve Ballmer souhaite aussi souffler certains créneaux du marché grand public à Apple, Google et Sony, faisant la sourde oreille à ceux qui lui prédisent une importante zone de turbulences.

Ça a commencé ce printemps, alors que le président du fonds spéculatif américain Greenlight Capital, David Einhorn, a carrément demandé la tête de Ballmer. «Sa seule présence est la plus grande menace à la valeur boursière de Microsoft», a-t-il résumé, lors d'une conférence.

Pour ce spéculateur comme pour d'autres, Microsoft [[|ticker sym='MSFT'|]] erre lorsqu'elle tente de diversifier ses activités afin de rester dans la course pour dominer un marché grand public de plus en plus fragmenté, où prospèrent ses éternels rivaux: Apple, Google et même Sony.

Un marché divisé entre des services web, des appareils et des applications mobiles et du divertissement numérique en tout genre. De Bing à Skype, en passant par la console Xbox et sa Kinect, une caméra infrarouge remplaçant le bon vieux contrôleur, Microsoft a investi plusieurs milliards dans le développement ou l'achat de technologies qui ne se traduisent toujours pas par des profits ronflants et sonnant dans les poches de ses actionnaires.

Ça explique pourquoi, au cours des plus récentes semaines, d'autres investisseurs et analystes ont suggéré à Microsoft de se délester de certains gros morceaux. Si Ballmer est coulé dans le ciment, qu'on laisse au moins partir la division des services en ligne comprenant Bing, qui a coûté 2,6 milliards en profits nets l'an dernier seulement. Sinon, qu'on vende la filiale Xbox au plus offrant.

La croissance ou la stabilité?

L'objectif: que Microsoft se recentre sur ses logiciels pour entreprises, où les revenus et la croissance sont plus stables, à court comme à long terme. «Ça a toujours été la force de Microsoft. C'est pourquoi les critiques pensent que l'action de Microsoft monterait en flèche si elle se défaisait des autres filiales», explique François Campeau, gestionnaire pour Trilogy Global Advisor, à New York.

Selon lui, la grogne entourant Microsoft est un bel exemple de dualité entre des investisseurs à la recherche d'une valeur sûre, et une ancienne garde préférant la croissance à travers l'acquisition de nouveaux marchés. «L'actionnariat de Microsoft a changé, passant d'une majorité d'investisseurs de croissance à une cherchant plutôt la valeur. Pour ces derniers, l'achat de Skype pour 8,5 milliards de dollars est une grossière erreur.»

M. Campeau, lui, pense que la stratégie de Microsoft n'est pas si mauvaise. Après tout, dit-il, le bénéfice par action est satisfaisant et rien n'annonce la déculottée présagée par les mauvaises langues. Si l'entreprise parvient à fusionner toutes ses plateformes logicielles en un seul système unifié, intégrant à la fois ses solutions pour entreprises et ses applications grand public, elle pourrait plutôt renverser la tendance.

C'est ce que Microsoft compte faire, d'ici 2015: produire une version unique de Windows bonne pour les PC, les téléphones, les tablettes, la console de jeu et les services en ligne. Un produit destiné à la fois au lucratif marché des entreprises et aux secteurs à plus forte croissance.

«Il y en a qui extrapolent que Microsoft va s'écraser, mais je pense qu'ils ont tort», conclut l'analyste new-yorkais.

Dans l'oeil du cyclone, Steve Ballmer pense la même chose.