Il y a à peine 10 ans, le Canada était un chef de file mondial en matière d'accessibilité à l'internet haute vitesse. Cette époque est malheureusement révolue. Car, d'un océan à l'autre, plusieurs régions n'ont toujours pas accès à cette technologie. Et le Québec ne fait pas exception.

Mais grâce à des initiatives locales et régionales, et une stratégie de l'économie numérique de 900 millions en neuf ans annoncée dans le dernier budget Bachand, le Québec serait en train de rattraper son retard.

Attirer les investisseurs

À Granby, les dirigeants municipaux déploient beaucoup d'énergie pour attirer de nouvelles entreprises dans leur parc industriel. La Ville vient d'investir 350 000$ dans un réseau de fibres optiques. Résultat: toutes les entreprises du parc industriel pourront maintenant naviguer à très, très haute vitesse pour des forfaits oscillant entre 150$ et 800$ par mois.

«Avant, ça pouvait coûter jusqu'à 1350$ par mois et pour une connexion des dizaines de fois moins rapide», explique Jean-Nicolas Dupéré, conseiller au développement économique au Commissariat industriel Granby et région. Selon lui, près de 30 entreprises (sur une possibilité de 200) se sont déjà branchées à la fibre optique, dont la vitesse atteint 100 mégabits par seconde (Mbit/s), en aval comme en amont. Il s'agit là d'une avancée spectaculaire, quand on sait qu'Industrie Canada a établi qu'un service «haute vitesse» peut transporter au minimum 1,5 Mbit/s.

La beauté de la chose, poursuit M. Dupéré, c'est que la ville, qui demeure propriétaire du réseau, reçoit une redevance de 25% sur le prix de l'abonnement mensuel. Elle devrait donc amortir son investissement d'ici 5 à 10 ans. La conception, l'ingénierie, la construction et la gestion du réseau ont été confiées à Télécommunications Xittel.

Partenariat public-privé

Cette entreprise de Trois-Rivières se présente comme «l'un des pionniers dans le développement des réseaux gérés par l'utilisateur et déployés dans le cadre d'un partenariat public-privé». Robert Proulx, président et chef de la direction de Xittel, se félicite d'ailleurs de l'initiative prise par la Ville de Granby. «Il est temps que les villes et les MRC prennent leurs télécommunications en charge. C'est devenu un service essentiel au développement économique du Québec», dit-il.

À l'instar de plusieurs autres joueurs des télécoms au pays, Xittel travaille à mettre sur pied des partenariats public-privé afin de desservir toutes les régions en matière d'internet haute vitesse. Ce qui, en soi, est une bonne nouvelle. Mais il y a urgence d'agir, croit Louis Houle, directeur général de Pour un Québec branché, un organisme qui fait la promotion de l'accès à l'internet.

Le cas de Granby est très intéressant, dit-il. Il s'agit selon lui d'un outil de compétitivité sans pareil pour les entreprises. «Mais la fibre optique n'est pas un absolu. Concentrons-nous d'abord sur ceux et celles qui n'ont pas encore accès à l'internet haute vitesse. À notre avis, la meilleure façon d'y parvenir, c'est en utilisant différentes technologies, dont le wi-fi, et en développant des compétences dans chacune des régions du Québec», croit-il.

M. Houle est également président de la Société internet du Québec, une antenne l'Internet Society (ISOC). Cet organisme américain, qui compte 30 000 membres sur la planète, vise à promouvoir la croissance, l'évolution et l'utilisation libres de l'internet pour les citoyens du monde. L'ISOC a tenu son assemblée générale le week-end dernier à Québec. À l'ordre du jour de cette rencontre dont à peu près personne n'a parlé: une rencontre de l'IETS (Internet Engineering Task Force) sur, notamment, les nouvelles normes et la sécurité sur le web.

Louis Houle se félicite par ailleurs que le gouvernement québécois ait décidé de mettre les bouchées doubles afin de s'attaquer aux problèmes d'accessibilité au grand réseau. Il applaudit l'initiative du ministre des Finances, Raymond Bachand, d'injecter 900 millions d'ici à 2020 afin d'offrir un service internet à très haut débit dans toutes les régions du Québec. Cet argent servira à financer des investissements dans la fibre optique, l'équipement de détection, les connecteurs de réseau et les infrastructures de télécommunications.

Selon Catherine Poulin, attachée au cabinet du ministre des Finances, cette somme record aidera le Québec à «prendre sa place dans les sociétés numériques, dans un souci de développement économique». «L'argent est disponible, mais la présidente du Conseil du Trésor va préciser dans les mois à venir les détails de cette stratégie», dit-elle.