Rupert Murdoch a témoigné. Il s'est presque fait entarter. Mais hier, le PDG de News Corporation a aussi vu son conglomérat connaître une rare journée de répit en Bourse, alors que les marchés financiers s'interrogent sur l'avenir des journaux au sein du groupe.

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Le titre de News Corporation avait perdu 17,1% de sa valeur depuis le début du scandale des écoutes téléphoniques illégales de son tabloïd britannique News of the World. Il s'agissait d'une glissade de 8,3 milliards US depuis le 4 juillet dernier.

Sauf que l'action A de News Corporation s'est appréciée de 5,5% (82 cents US) hier pour terminer la séance à 15,79$US au NASDAQ, le jour de la comparution de son PDG devant les parlementaires britanniques.

Cette hausse boursière n'a pas étonné l'analyste Matthew Harrigan, qui recommande toujours d'acheter le titre de News Corporation. «Le titre était bon marché avant la hausse d'hier, mais je ne m'attends pas à un autre grand rallye boursier à court terme», a dit Matthew Harrigan, analyste financier à la firme Wunderlich Securities à Denver, en entrevue à Z.

S'il possède quelques-uns des plus importants journaux du monde - le Wall Street Journal et le Times de Londres, pour ne nommer que ceux-là -, le conglomérat de Rupert Murdoch fait surtout de l'argent au grand écran et à la télé spécialisée. Pour l'année financière 2010, sa division de films, qui inclut la 20th Century Fox, a généré 1,34 des 3,96 milliards US des profits de l'entreprise, soit 34%. La télé spécialisée, une division comprenant Fox News et les chaînes internationales de films, de sports et de divertissement, a généré des profits de 2,27 milliards US, soit 57% de l'ensemble des profits.

Le poids financier des journaux et des médias écrits d'information est beaucoup plus modeste: des profits de 530 millions US, une participation de 13% aux profits de l'entreprise.

Mais on ne parle que des journaux de News Corp. depuis deux semaines, alors que le News of the World a avoué avoir écouté et effacé illégalement les messages téléphoniques de plusieurs personnalités publiques en Grande-Bretagne, dont l'ex-premier ministre Gordon Brown, ainsi qu'une adolescente assassinée en 2002. Le tabloïd le plus lu en Grande-Bretagne a été fermé par News Corporation le 10 juillet dernier. Aux États-Unis, le FBI a ouvert une enquête sur des allégations selon lesquelles News Corp. avait tenté d'écouter des messages de victimes du 11 septembre 2011.

Le scandale aura forcé News Corporation à renoncer au rachat du distributeur par satellite British Sky Broadcasting (BSkyB), dont News Corp. détient déjà 39%. «Peut-être que tout ça aura été une bénédiction pour News Corp., dit l'analyste boursier Matthew Harrigan. Le rachat de BSkyB aurait grandement augmenté sa présence en Grande-Bretagne, peut-être un peu trop à mon avis.»

Scinder News Corp.?

À la lumière de l'hypothèse d'écoutes illégales aux États-Unis qui seraient sévèrement punies par les autorités réglementaires, certains analystes suggèrent de scinder News Corporation.

Dans un rapport publié lundi, l'analyste Michael Nathanson, de la firme Nomura, sépare les actifs de News Corporation en trois. Selon lui, les actifs les plus rentables sont la télévision et le distributeur satellite Sky Italia. En deuxième lieu, les films, les magazines et l'édition de livres offrent un rendement décevant aux actionnaires. Finalement, il estime que les journaux et autres médias écrits sont des actifs «toxiques» pour News Corporation en raison de leur faible rentabilité. Il souligne les rumeurs de vente de certains journaux de News Corp. en Grande-Bretagne, même si elles ont été niées par le PDG, Rupert Murdoch, qui détient 39% des actions de News Corp.

Michael Nathanson sait bien que son hypothèse de scinder News Corp. ne risque pas de se produire à court terme. «Ne vous y trompez, l'idée [...] est longtemps apparue peu probable en raison de la réticence de la direction [...] mais nous croyons que cette crise pourrait servir à déterminer quels actifs ne sont pas stratégiques», écrit l'analyste de la firme Nomura.

Les partisans d'une restructuration chez News Corp. font valoir que l'entreprise a déjà commencé son ménage en vendant le mois dernier le site web de réseautage social MySpace pour une somme entre 30 et 40 millions US, après l'avoir acheté pour 580 millions US en 2005.

Mais l'analyste financier Matthew Harrigan, lui, n'y croit pas. «News Corporation est toujours un bon groupe d'entreprises. Certains analystes pensent que News Corp. pourrait vendre des journaux, mais j'en serais étonné, car l'entreprise n'a pas de problèmes de liquidités», dit l'analyste de la firme Wunderlich Securities à Z.

Dans la foulée du scandale des écoutes téléphoniques illégales, News Corporation a fait passer son programme de rachat d'actions de 1,8 à 5,0 milliards US. L'entreprise dévoilera le 10 août ses résultats financiers du quatrième trimestre de l'année financière 2010-2011.

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L'EMPIRE NEWS CORPORATION

Revenus (2010) (en milliards US)

Films 7,6

Télévision généraliste (p. ex: Fox) 4,2

Télévision spécialisée par câble (p. ex: Fox News) 7,0

Télévision satellite 3,8

Services intégrés de marketing 1,2

Journaux et médias d'information 6,1

Édition de livres 1,3

Autres 1,5

TOTAL 32,7





AU CANADA

> Harper Collins (édition de livres)

AUX ÉTATS-UNIS

> Fox, Fox Sports, Fox News, Fox Business, National Geographic (télévision)

> 20th Century Fox, Fox Searchlight Pictures, Fox 2000 Pictures (films)

> New York Post, Dow Jones (Wall Street Journal, Barron's)(journaux et médias d'information)

EN GRANDE-BRETAGNE

> 39% de BSkyB (télévision satellite)

> News International, comprenant The Sun, News of the World, The Times (journaux)

> Harper Collins (édition de livres)