Le magnat américain des médias Rupert Murdoch, propriétaire du tentaculaire groupe de presse News Corp, a construit en un demi-siècle un empire aujourd'hui fortement ébranlé par le scandale des écoutes au Royaume-Uni, qui l'a déjà contraint à fermer l'un de ses titres phares.

Après avoir sabordé le 7 juillet News of the World tabloïd dominical fleuron de son empire britannique rongé par le scandale des écoutes, News Corp. a dû abandonner son projet controversé de rachat total du bouquet britannique de chaînes par satellite BSkyB.

M. Murdoch, son fils James et Rebekah Brooks, l'ex-directrice de News International, la division britannique du groupe, arrêtée dimanche puis libérée sous caution, doivent témoigner devant une commission de députés britanniques mardi.

Mais l'affaire qui a vu l'arrestation de dix personnes à ce jour ne semble pas près de s'arrêter.

Depuis deux semaines, M. Murdoch tente de calmer la tempête politico-judiciaire. Il a publié des excuses dans la presse, sacrifié un de ses lieutenants aux États-Unis, Les Hinton, et rencontré les parents de Milly Dowler, une fillette disparue puis retrouvée assassinée et dont la boîte vocale avait été piratée par NotW.

«En tant que fondateur du groupe, j'ai été consterné de découvrir ce qui s'est passé et je me suis excusé, je n'ai rien à ajouter», a déclaré le magnat américain d'origine australienne.

À 80 ans, l'homme a connu bien d'autres tempêtes, des faux carnets d'Hitler à sa bataille contre les syndicats. Dans le Wall Street Journal, la semaine passée, il a du reste assuré que les dommages subis par News Corp. en Grande-Bretagne «ne constituent pas quelque chose dont on ne peut pas se remettre».

D'un petit journal d'Adelaïde, ce Citizen Kane moderne a fait un empire générant 33 milliards de dollars de chiffre d'affaires, dans la télévision, l'édition, le cinéma, l'internet et les journaux. Il possède ainsi Fox News, 20th Century Fox, Dow Jones ou encore le Wall Street Journal.

Sa présence s'étend de l'Australie à l'Europe, aux États-Unis, en Asie et en Amérique latine.

Né le 11 mars 1931 à Melbourne (Australie), Keith Rupert Murdoch hérite très jeune de deux journaux à faible tirage dans la région d'Adélaïde.

En 1969, il revient en Grande-Bretagne (il avait étudié à Oxford) et s'empare de News of the World et de The Sun, qui deviendront des piliers de la presse populaire britannique. En 1976, il conquiert l'Amérique en mettant la main sur le New York Magazine et sur le New York Post.

En 1981, son emprise sur la presse britannique marque une nouvelle étape avec le rachat des journaux de référence The Times et The Sunday Times.

Mais Rupert Murdoch, marié trois fois et père de six enfants, n'est pas seulement un homme de presse. Ses détracteurs soulignent surtout son goût pour la politique.

Il s'est ainsi fait une réputation de faiseur de rois en soutenant successivement George W. Bush et Hillary Clinton, Margaret Thatcher et Tony Blair.

Vénéré par son personnel, respecté de ses adversaires, il ne cache pas son aversion pour les syndicats et les impôts. En 1983, il brise le syndicat du Livre anglais en licenciant 5000 de ses employés.

Aux États-Unis, sa chaîne de télévision Fox News est souvent critiquée pour des positions très conservatrices.

Au Royaume-Uni, ses journaux ont été les fervents soutiens de la politique conservatrice de Margaret Thatcher et de son successeur John Major.

En 1997, M. Murdoch a créé la surprise quand The Sun et News of The World ont apporté leur soutien au travailliste Tony Blair.

Le New Yorker rappelle comment le futur Premier ministre britannique avait dès 1995 parcouru 14 000 kilomètres pour participer à une conférence de News Corp. et obtenir ainsi les faveurs de Murdoch.

Dans le berceau du groupe, en Australie, sa filiale News Limited a aujourd'hui bien du mal à se distancer de l'actuel scandale des écoutes, une pratique qui est «l'antithèse de tout ce que nous soutenons», a-t-elle assuré dans un communiqué à son personnel.