Autre journée, autre coup de théâtre signé Rupert Murdoch. Après la fermeture du News of the World dimanche, le patron du plus grand groupe de presse mondial a renoncé hier à acheter les principales chaînes par satellite British Sky Broadcasting (BSkyB).

Il y a encore deux semaines, la classe politique britannique était de connivence avec Rupert Murdoch, son fils, James, et son bras droit au pays, Rebekah Brooks. Hier, elle a mis à genoux le magnat de la presse en faisant barrage à son désir d'acheter la principale télévision payante britannique.

Les trois principaux partis politiques s'apprêtaient à appuyer une motion qui s'oppose à l'acquisition de BSkyB, forte de 25 millions d'abonnés au Royaume-Uni et en Irlande. La motion n'aurait pas eu force de loi, mais elle aurait été un revers symbolique.

À la suite de la session parlementaire au cours de laquelle le premier ministre, David Cameron, a invité Rupert Murdoch à «faire le ménage dans son étable», le vice-président de News Corporation, Chase Carey, a déclaré forfait: «Il est devenu clair qu'il est trop difficile de faire des progrès dans le climat actuel», a-t-il dit.

News Corporation possède déjà 39% de BSkyB. Le groupe avait fait une offre d'achat de 14 milliards de dollars pour les 61% restants en juin 2010. Des analystes craignaient que Murdoch ne devienne le «Berlusconi britannique».

«Rupert Murdoch était impatient de prendre les rênes de BSkyB, une véritable vache à lait, a expliqué le chroniqueur Robert Peston de la BBC. Cela doit être une décision extrêmement douloureuse pour lui.»

Volte-face

L'écroulement de l'influence de Rupert Murdoch sur les politiciens britanniques indique la fin d'une ère. Lance Price, qui a travaillé pour Tony Blair de 1998 à 2001, a révélé en 2006 que l'ancien premier ministre consultait toujours le propriétaire du Sun avant de prendre une décision importante. Le populaire tabloïd l'avait appuyé aux élections de 1997, qu'il a remportées.

La révélation, la semaine dernière, du fait que le News of the World avait piraté la messagerie d'une adolescente disparue en 2002 a bouleversé les règles du jeu.

Il est maintenant de bon ton de dénigrer l'empire de Murdoch au Parlement.

David Cameron a donné hier au juge Brian Leveson le mandat d'enquêter sur les pratiques illégales des journaux ainsi que sur les relations entre la presse, les politiciens et la police.

Le premier ministre a lui-même employé un ancien rédacteur en chef du News of the World, Andy Coulson, et a été reçu chez Rebekah Brooks, directrice des journaux britanniques de News Corporation, pendant les vacances de Noël.

Concernant l'affaire des écoutes téléphoniques, dont seulement 170 des 4000 victimes ont été jointes par Scotland Yard, il a déclaré: «Les personnes impliquées, peu importe leur rang, devraient faire face à la justice et ne plus jamais travailler dans les médias.»