Le scandale d'écoutes téléphoniques et de corruption secouant l'empire des médias News Corporation en Grande-Bretagne est suivi de près aux États-Unis, où le groupe est coté, et où analystes et experts s'inquiètent d'une tache sur sa réputation, potentiellement coûteuse.

La presse britannique, en première ligne avec la fermeture subite du tabloïde hebdomadaire News of the World, «est une très petite part de l'activité du groupe, mais les gens s'inquiètent que cela puisse retarder ou remettre en cause l'acquisition (du bouquet satellitaire) BSkyB», a noté Michael Corty, analyste chez Morningstar.

De fait, le gouvernement britannique a déjà gelé l'opération, qui semblait jusqu'alors tout près d'obtenir les derniers feux verts.

De quoi peut-être expliquer la chute de l'action -en recul de 4,36% à 16,67 $ vers 13h vendredi-, même si elle intervient dans un contexte de baisse générale des valeurs médias, comme l'a noté M. Corty, interrogé par l'AFP.

Financièrement, la seule fermeture du News of the World, même s'il s'agit du journal au plus gros tirage de Grande-Bretagne, a un impact «minimal» sur l'empire des médias de Rupert Murdoch, a souligné Thomas Eagan dans une note pour Collins Stewart.

La presse mondiale n'a représenté que 115 des 932 millions de dollars du bénéfice d'exploitation annuel du groupe lors de l'année fiscale 2009-10, largement dominé par la télévision. La presse britannique en général ne pèse donc pas bien lourd (moins du quart de l'activité presse, selon M. Eagan), et l'hebdomadaire défunt encore moins.

Le problème, comme l'a noté Marc Pado, analyste chez Cantor Fitzgerald, c'est de saisir jusqu'où remonte la responsabilité des infractions commises à News of the World.

Les autorités «vont creuser, et elles pourraient faire tomber des acteurs essentiels du groupe, au-delà du tabloïd», a-t-il estimé, notant que certains «suggèrent que même les journaux classiques puissent utiliser les mêmes tactiques pour faire sortir les informations».

Pour autant, les analystes interrogés par l'AFP jugent «prématuré» de spéculer sur une atteinte profonde au groupe News Corp.

«C'est plus la réputation personnelle de Murdoch (qui est en jeu) que la réputation de l'entreprise», a souligné M. Corty. «Les gens qui achètent ou vendent le titre de l'entreprise ne s'intéressent pas à cela» et s'inquiètent davantage de savoir si le groupe a une stratégie numérique convaincante après le fiasco du site MySpace revendu à perte.

Frank Sesno, professeur de médias à George Washington University, a relevé tout de même que «la réputation de tout le groupe est menacée par une chose comme cela».

«La direction du groupe doit montrer qu'elle comprend la gravité de ce qui se passe, car elle sera jugée, à travers ses autres filiales, par sa réponse à cette crise», a-t-il ajouté.

Du côté des observateurs des médias, certains étaient sans pitié envers M. Murdoch, comme Ken Auletta, chroniqueur très respecté au magazine New Yorker.

«Rupert Murdoch est un homme d'affaires brillant et audacieux. Malheureusement, c'est aussi un homme dont les journaux se complaisent dans le scabreux. C'est la culture qu'il a créée et dont ses sous-fifres sont imprégnés». Du coup, «Murdoch ne peut pas échapper au scandale des écoutes téléphonique, parce qu'il est coupable», a asséné M. Auletta sur le blog du magazine.

Dan Kennedy, professeur de journalisme à l'Université Northeastern, a noté que le scandale touchait «des gens très proches» de M. Murdoch, en particulier le président de la branche britannique de News Corp, son fils James Murdoch, et la directrice générale Rebekah Brooks, que la presse crédite d'entretenir des relations quasi filiales avec le magnat originaire d'Australie.

Mais M. Kennedy a aussi souligné que «Rupert Murdoch a connu beaucoup de succès et beaucoup d'échecs simultanément» par le passé, se refusant à «spéculer» sur l'issue du scandale.