C'est se bercer d'illusions que d'affirmer que la crise est terminée alors que le taux de chômage demeure bien plus élevé qu'avant son éclatement, même après deux ans de reprise.

Voilà pourquoi il faut aller de l'avant avec les ambitieuses réformes du système financier, esquissées par le G20 et les banquiers centraux, tout en établissant des normes plus serrées de gouvernance budgétaire au sein des États.

Tels étaient les grands axes des interventions, hier, à la journée d'ouverture de la 17e Conférence de Montréal.

«Il reste beaucoup à faire, a insisté Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne. L'aspect le plus important concerne la mise en oeuvre de ces réformes. En outre, la question des institutions financières d'importance systémique doit encore être tranchée et il convient de renforcer la surveillance des marchés financiers.»

M. Trichet, à qui l'Université de Montréal a décerné un doctorat honoris causa, s'est aussi penché sur la fragilité des finances de plusieurs pays tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la zone euro.

Il s'est montré de nouveau chaud partisan d'une réforme de la gouvernance économique, car la présente n'a pu garantir des programmes sains dans chacun des 17 États de la zone euro. «La surveillance macroéconomique permettra d'assurer un meilleur fonctionnement de l'Union économique et monétaire, a-t-il prédit. Elle obligera les États membres à prendre des mesures pour contrer l'apparition de déséquilibres macroéconomiques à un stade précoce, avant qu'ils ne pèsent sur les perspectives macroéconomiques et ne puissent prendre une dimension systémique.»

Questionné par la suite à ce sujet, M. Trichet, qui doit quitter ses fonctions l'automne prochain, a indiqué que la Grèce pourra s'en sortir à condition de refondre ses institutions et de réussir la privatisation de plusieurs de ses nombreux actifs.

«L'accent mis sur la soutenabilité budgétaire et la réduction des niveaux de dette publique, étayé par des sanctions publiques plus efficaces, est un pas dans la bonne direction», a-t-il souligné.

Michel Barnier, commissaire à la Commission européenne responsable du marché intérieur et des services, a rappelé pour sa part la grande réforme que représente le nouveau Système européen de surveillance financière dont les trois autorités chargées du secteur bancaire, des assurances et des caisses de retraite ainsi que des marchés financiers permettront de cerner les effets de contagion au sein du système financier.

Il s'est montré inquiet par le fait que les décisions précédentes du G20 ne se traduisent pas plus rapidement en réformes dans les États membres. «Ce n'est pas encore «business as usual» comme aiment le penser certains banquiers quand plusieurs pays ont encore 10% de chômage, a-t-il indiqué. L'effort doit être équitable.»

Il s'est dit favorable à l'encadrement étroit de la rémunération et à la mise en place d'une taxe sur les transactions financières et d'outils de surveillance pour les marchés de produits dérivés dont la valeur serait de 600 000 milliards. «La crise a montré une faillite du contrôle. Il faut créer des outils de prévoyance et remettre les marchés financiers au service de l'économie réelle.»

Tiff Macklem, premier sous-gouverneur de la Banque du Canada, a précisé dans la même veine qu'il était indispensable de réformer la surveillance et la réglementation du système bancaire parallèle ou ce qu'il suggère d'appeler le financement sur les marchés, si on vise «l'accroissement de la résilience du système financier».

M. Barnier a rappelé que les banques européennes assurent 75% du financement des entreprises, comparativement à seulement 25% pour les banques américaines.

Tout comme M. Trichet, il a plaidé pour la poursuite de la construction de l'Europe, «une mutualisation» de 27 États, qui lui assurera d'être «un joueur plutôt qu'un spectateur» dans les prochains chapitres de l'économie mondialisée.

Philippe Maystadt, président de la Banque européenne d'investissement, a pour sa part soutenu que le chômage élevé «érode le potentiel de croissance à long terme».

Angel Gurria, secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économique, a indiqué que la «soutenabilité» de la reprise devait reposer sur des réformes structurelles et sociales. Sans elles, les perspectives à long terme sont laides. Il a plaidé pour un contrôle serré de la dette des États, «un problème intergénérationnel qui commence aujourd'hui».