L'emploi américain semblait sur une belle lancée, l'activité manufacturière aussi. Mais les indicateurs négatifs publiés hier ont fait déchanter les marchés, entraînant un repli de 2% des Bourses nord-américaines.

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Selon l'enquête mensuelle du cabinet de conseil ADP, la création d'emplois du secteur privé n'aura été que de 38 000 postes en mai, une chute de 79% par rapport au mois précédent. Pire, l'indice ISM manufacturier, mesure baromètre de l'économie, a enregistré son recul le plus important depuis janvier 1984 aux États-Unis.

Ces mauvaises nouvelles s'ajoutent aux données sombres publiées la veille, notamment la baisse de l'indice de confiance des consommateurs et le neuvième repli mensuel consécutif du prix des maisons. «C'est clair que le deuxième trimestre va être probablement aussi mauvais que le premier», a résumé Francis Généreux, économiste principal au Mouvement Desjardins, en entrevue à La Presse Affaires.

Tous les indicateurs des dernières semaines pointent vers une «pause» dans la reprise économique, a poursuivi M. Généreux.

«Ce qui est peut-être le plus frappant avec l'économie américaine depuis quelque temps, c'est qu'on est toujours un peu déçu», a-t-il dit.

«Après la gravité de la récession et de la crise, on aurait voulu un rebond à l'effet miroir. Mais ce qu'on a, ce sont des chiffres tantôt bons, tantôt mauvais, qui donnent une tendance plutôt tiède et généralement décevante», ajoute M. Généreux.

Tsunami et essence

Comme l'indice ISM manufacturier dépasse de peu la barre de 50 - à 53,5 -, on peut encore considérer que les fabricants sont en expansion. Mais le recul de 6,9 points entre avril et mai ramène l'indice à son niveau de septembre 2009.

Pourquoi un tel repli de l'activité? Les économistes font état de problèmes d'approvisionnement causés par le séisme du 11 mars au Japon, couplés à une hausse notable du prix de l'essence. Deux facteurs temporaires, qui pourraient se résorber assez vite.

Derek Holt, de la Banque Scotia, avertit toutefois de ne pas simplifier à outrance les causes du recul de l'activité manufacturière. Selon lui, la faiblesse des nouvelles commandes aux entreprises s'explique davantage par le piètre état de l'économie nationale américaine que par la situation japonaise.

Chris Shiamptanis, économiste à la TD, tente pour sa part de se faire rassurant. «Bien que les manufacturiers aient enregistré un fort rebond dans les premières phases de la reprise, il n'est pas inhabituel pour ce secteur de ralentir deux ans après le début de la reprise, a-t-il indiqué dans un rapport. Ce n'est pas un signe négatif.»

À surveiller demain

Les prochains mois indiqueront si le repli manufacturier est temporaire ou pas. À court terme, tous les yeux seront tournés demain vers Washington, qui publiera les données officielles sur l'emploi.

Selon les estimations du cabinet ADP - prises très au sérieux par les marchés -, le secteur privé a généré seulement 38 000 postes le mois dernier au sud de la frontière, à des années-lumière du consensus de 175 000 des économistes (incluant les emplois gouvernementaux).

Ce rapport d'ADP a incité plusieurs analystes à revoir leurs attentes à la baisse, hier. Selon Francis Généreux, de Desjardins, la création totale sera «facilement» sous la barre des 150 000. Les économistes de RDQ Economics ont pour leur part ramené leur prévision aux alentours de 100 000, rapporte l'Agence France-Presse.

Quoi qu'il en soit, le chiffre attendu demain sera nettement inférieur au gain de 244 000 emplois enregistré en avril, qui avait créé un mouvement d'espoir envers l'économie américaine.

Le Dow Jones a connu sa plus forte baisse en 10 mois hier (-2,2%), clôturant en repli de 279,65 points, à 12 290,14 points. La Bourse de Toronto a quant à elle lâché 2%, ou 275 points, à 13 527,88 points.