Si les Canucks de Vancouver remportent la Coupe Stanley, ils devront une fière chandelle à une PME montréalaise qui a aiguisé leur vision du jeu cette saison.

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Environ 70 fois cette saison, le gardien de but québécois Roberto Luongo, les jumeaux Daniel et Henrik Sedin et leurs coéquipiers des Canucks ont pris place à l'intérieur du NeuroTracker, voûte d'entraînement conçue par CogniSens Athlétiques. Durant huit minutes, les athlètes professionnels suivent quatre des huit balles se déplaçant sur un écran d'une soixantaine de pieds carrés. Un exercice de perception cognitive destiné à améliorer leur vision du jeu. «Durant un match de hockey, le flot optique d'un joueur change constamment, dit Jean Castonguay, PDG de CogniSens Athlétiques. Il doit suivre ses coéquipiers et ses adversaires en même temps.»

Le NeuroTracker, conçu dans le laboratoire du professeur d'optométrie Jocelyn Faubert à l'Université de Montréal, pourrait bien révolutionner l'entraînement des sportifs professionnels. «Il peut certainement aider à devenir un meilleur athlète», dit prudemment son inventeur Jocelyn Faubert.

Depuis sa fondation en 2009, l'entreprise CogniSens Athlétiques s'est créé un impressionnant réseau de contacts pour tester le NeuroTracker, dont les deux équipes de soccer qui se disputeront samedi la finale de la Ligue des champions: Manchester United et le FC Barcelone. L'invention québécoise est aussi utilisée par les Sénateurs d'Ottawa, les Penguins de Pittsburgh, l'équipe de soccer d'Everton, en Angleterre, la Fédération française de rugby ainsi que le centre d'entraînement national espagnol, fréquenté notamment par les joueurs du FC Barcelone.

Quand les athlètes parviennent à suivre les balles à l'écran, on ajoute de l'exercice physique - faire du vélo stationnaire, dribler un ballon - afin de recréer les conditions d'un match. Les joueurs des Canucks, qui font l'exercice 10 fois par mois durant la saison, manient une rondelle à l'intérieur du NeuroTracker.

L'invention de la PME montréalaise pourrait être particulièrement utile après une commotion cérébrale. «Quand un joueur est médicalement prêt à revenir au jeu, il faut ensuite mesurer s'il est cognitivement prêt à le faire, dit Jean Castonguay. S'il n'est pas prêt, il a plus de chances de se faire frapper et de subir une autre commotion cérébrale.»

Les applications du NeuroTracker ne manquent pas dans le vestiaire d'une équipe professionnelle. «Les joueurs blessés peuvent continuer à pratiquer leur lecture du jeu durant leur absence», dit Jocelyn Faubert. Selon l'ancien joueur de l'Impact de Montréal Patrick Leduc, le NeuroTracker pourrait aussi servir de préparation avant les matchs. «Ça augmente le niveau de concentration, dit-il après l'avoir testé pour La Presse. Avant le match, on va faire des échauffements physiques, mais on néglige les échauffements mentaux. On sent parfois que les joueurs ne sont pas réveillés en début du match...»

Jocelyn Faubert travaille sur un appareil pour évaluer la perception cognitive des gens depuis le début des années 2000. Il a testé plusieurs clientèles, dont les personnes âgées, mais celle des athlètes professionnels lui semblait très prometteuse. «Ils feraient n'importe quoi pour une meilleure performance», dit-il.

Après avoir peaufiné son invention sur des athlètes olympiques et universitaires à compter de 2005, Jocelyn Faubert a été présenté trois ans plus tard à Jean Castonguay, ancien avocat d'affaires recyclé en démarreur d'entreprises. Avec d'autres associés, ils fondent CogniSens puis sa filiale CogniSens Athlétiques l'année suivante.

Après avoir été testé par des équipes de premier plan comme Manchester United et les Canucks de Vancouver, le NeuroTracker est prêt à être commercialisé. Il se vend environ 40 000$, sans compter les frais annuels de 4000$ et les frais de gestion de données de 500$ par mois. CogniSens Athlétiques espère générer des revenus de 1,2 million de dollars au cours de la prochaine année, 7,6 millions l'année suivante et 17,7 millions la troisième année. À moyen terme, l'entreprise aurait toutefois besoin de 3 millions de dollars de financement pour la commercialisation du NeuroTracker.

Si elle veut atteindre ses objectifs financiers, CogniSens doit dénicher une trentaine de clients d'ici un an. L'entreprise étudie déjà une quinzaine de propositions, en plus de discuter avec une quarantaine d'autres équipes. À Boston, les Patriots de la Nouvelle-Angleterre (NFL), les Red Sox (baseball) et les Celtics (NBA) ont démontré de l'intérêt. CogniSens Athlétiques lorgne aussi le lucratif marché universitaire américain. «Seulement dans la région de Boston, il y a une cinquantaine d'équipes universitaires», dit Jean Castonguay. À trois ans des Jeux olympiques de Sotchi, la Russie est intriguée par les bienfaits du NeuroTracker.

Pas de nouvelles toutefois du Canadien de Montréal, l'équipe de hockey préférée des deux dirigeants de CogniSens Athlétiques. «Ce n'est pas clair pour eux actuellement, dit Jocelyn Faubert. Il faut dire que les Canucks sont très avancés en matière de science sportive. C'est le seul club de la LNH qui a un spécialiste de la science sportive.» Son associé Jean Castonguay ne désespère pas d'aider un jour la cause du Tricolore. «Dans ce domaine, il faut de bonnes références et on laisse le bouche à oreille faire le reste, dit-il. On ne met jamais de pression sur une équipe.»

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CogniSens Athlétiques

Fondateurs

Jean Castonguay, PDG, et Jocelyn Faubert, responsable de la recherche scientifique.

Le concept en 140 caractères

Améliorer la vision des athlètes professionnels en suivant des balles sur un écran.

Objectif d'ici un an

Chiffre d'affaires d'un million de dollars grâce à une trentaine de clients (des équipes professionnelles).

Effectifs

10 employés au siège social situé sur le chemin de la Côte-des-Neiges, près de l'Université de Montréal.