Pfizer Canada souhaite que le gouvernement fédéral revoie les termes de la propriété intellectuelle dans l'industrie pharmaceutique.

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L'entreprise profite du gouvernement majoritaire désormais en place à Ottawa pour intensifier ses demandes auprès de Harper. Pourquoi? Pour éviter notamment «d'être attaquée» par les fabricants de médicaments génériques.

«On est toujours sur les talons, affirmait le président, Paul Lévesque, après une allocution devant la chambre de commerce du Montréal métropolitain, hier. Le Canada pourrait décider d'accroître la propriété intellectuelle pour se démarquer. Mais ce n'est pas ce qu'on demande en premier lieu. Notre stratégie est de voir ce qui se fait ailleurs et de nous mettre au même niveau que l'Europe et les États-Unis. On aimerait avoir une protection des données chimiques de 10 ans.

«On aimerait aussi avoir un droit d'appel quand on perd en cour fédérale. Comment voulez-vous que je convainque la société mère d'investir si je risque de perdre mon brevet l'année suivante? On le dit depuis des années, on espère qu'on sera capable d'avoir une amélioration des propriétés intellectuelles d'ici les prochains mois», a dit le responsable.

Pour le moment, Santé Canada concède 20 ans aux fabricants de médicaments originaux pour la recherche, le développement, la production, la mise en marché et l'exclusivité commerciale d'un médicament. Cette exclusivité peut s'étirer sur une période de 5 à 10 ans, dépendant du temps exigé pour la fabrication d'un médicament et son approbation de commercialisation.

Quant à la protection des données que veulent saisir les fabricants de médicaments génériques (qui se vendent à 30% des produits originaux), Pfizer souhaite une protection de 10 ans au lieu de 8.

Face à Pfizer, l'Association canadienne du médicament générique n'est pas surprise par ces demandes. «Cette industrie veut étirer de toutes les façons imaginables les brevets depuis au moins 25 ans, souligne son directeur général, Québec, Yves Dupré. Depuis cinq ans, elle fait plus de pressions.»

Ottawa va-t-elle l'entendre cette fois? «Traditionnellement, les gouvernements conservateurs ont été favorables aux médicaments d'origine...», répond Yves Dupré, qui souligne toutefois que l'industrie des médicaments d'origine a déjà trouvé le moyen de prolonger la protection de ses médicaments.

«Systématiquement, les fabricants de médicaments d'origine font des injonctions à la fin des brevets pour dire que notre industrie ne les respecte pas. En général, ça donne deux ans d'exclusivité commerciale supplémentaires. Mais, dans 75% des cas, le tribunal nous donne raison.»

Mondialement, Pfizer a terminé son exercice financier 2010 avec un chiffre d'affaires en hausse de 36%, à 67,8 milliards US (et son premier trimestre de 2011 à 17,6 milliards US, en hausse de 6%), mais ses profits ont glissé de 4%, à 8,25 milliards US l'an dernier. Récemment, La Presse Affaires publiait qu'en 2012, malgré la perte du brevet de Lipitor, l'entreprise maintiendrait le même objectif en matière de chiffre d'affaires. Elle prévoyait toutefois une réduction des frais de recherche de 23,5%, à 6,4 milliards US, en 2012.

Hier, Paul Lévesque a toutefois affirmé que son secteur «est celui qui investit le plus en pourcentage de ses ventes, affirme-t-il. De 2000 à 2009, l'industrie a investi 11,2 milliards de dollars en recherche et développement. Pfizer Canada en 2010 a investi 160 millions».

Lipitor, prescrit pour contrôler le cholestérol, demeure le produit le plus vendu de Pfizer et le plus vendu du monde. En 2010, malgré une baisse de 8%, les ventes étaient de 10,7 milliards US en 2010. Il génère 20% des bénéfices de l'entreprise. Viagra, autre produit-vedette de l'entreprise, prescrit pour traiter les dysfonctions érectiles, a connu des ventes mondiales de 1,9 milliard US en 2010, en croissance de 2%.