Le réseau social professionnel LinkedIn prépare pour cette semaine une entrée en Bourse le valorisant à 4 milliards de dollars, relançant chez certains investisseurs la crainte d'une nouvelle bulle internet.

LinkedIn, site d'échange de curriculum-vitae, a annoncé mardi que les actions qu'il compte mettre sur le marché, peut-être dès jeudi, seraient mises à prix non pas entre 32 et 35 $, comme il l'avait annoncé il y a une semaine, mais presque 30% de plus, entre 42 et 45 $, pour une valorisation maximale approchant non plus 3 mais 4 milliards.

Selon le Wall Street Journal, qui a épluché les statistiques, c'est la première fois depuis 2000, soit avant l'éclatement de la première bulle internet, qu'une entreprise voit ainsi grimper aussi rapidement sa valorisation.

C'est aussi «l'entrée en Bourse la plus importante aux États-Unis depuis Google», a calculé le cabinet d'analyse financière spécialisé dans les entrées en Bourse Renaissance Capital.

Le site d'analyse financière 247WallSt.com a interrogé ses lecteurs, dont les deux tiers ont jugé le prix avancé mardi «déjà trop élevé».

LinkedIn a plus que doublé son chiffre d'affaires en 2010, à 243 millions. Il a dégagé un bénéfice de 3,4 millions (contre un déficit de 4 millions de dollars en 2009). Mais il a prévenu qu'il fallait s'attendre à une perte en 2011 -«pendant que nous investissons pour la croissance à venir»- et à une décélération de la croissance.

Un élément au moins appellerait à la prudence: les investisseurs qui se sont précipités il y a deux semaines pour acheter des parts du «Facebook chinois», Renren, ont vu leur investissement perdre déjà le tiers de sa valeur.

Mais Lou Kerner, analyste spécialiste des réseaux sociaux chez Wedbush Securities, n'est pas surpris de l'attrait de LinkedIn: «il va y avoir une demande très importante des investisseurs pour ce qui sera la meilleure entreprise cotée (à ce jour) des réseaux sociaux», dit-il, en réfutant l'idée d'une bulle.

«Parler de bulle évite l'aspect principal, qui est l'énorme valeur créée pour les actionnaires dans les médias sociaux aujourd'hui, et le fait que les investisseurs sur les marchés ont très peu de moyens d'y accéder», ajoute-t-il.

En tout état de cause, LinkedIn promet de n'être qu'un nouveau galop d'essai avant l'opération que tout le milieu boursier et high-tech attend avec impatience, l'entrée en Bourse, peut-être début 2012, du roi des réseaux sociaux: Facebook.

M. Kerner valorise à 85 milliards de dollars le site aux 500 millions d'utilisateurs co-fondé par Mark Zuckerberg, avec une perspective à 235 milliards en 2015.

D'ici là, les investisseurs devraient pouvoir acheter des actions d'entreprises valant potentiellement le double de LinkedIn, selon M. Kerner: l'éditeur de jeux en ligne Zynga et le spécialiste des achats groupés Groupon.

Chez Morningstar, l'analyste Eric Buhr, spécialiste des entrées en Bourse, juge l'enthousiasme du marché pour ces valeurs prévisible, à défaut d'être justifié.

«Quant on pense à Facebook, par exemple, on parle d'une valorisation à 100 milliards pour 4 milliards de chiffre d'affaires attendu, soit un multiple de 25 fois les ventes -contre 5 fois pour Google», note M. Buhr.

L'analyste juge l'enthousiasme pour Groupon plus étonnant encore: «On parle d'une valorisation à 15 ou 20 milliards, mais pour une société de coupons de réduction qui n'a réussi qu'une chose, c'est d'être les premiers. Ce n'est peut-être pas justifié».

La valorisation de LinkedIn à 4 milliards représente un multiple de 16 fois les ventes du site.

LinkedIn est un site internet où les internautes peuvent décrire leurs emplois présent et passés et se constituer un réseau informel à travers leurs connaissances professionnelles ou amicales -voire se faire repérer par des recruteurs.