À Hollywood, Martin Tremblay dirige la filiale de jeux vidéo de Warner Brothers, l'un des plus dynamiques et des plus ambitieux studios de jeux du monde. Portrait d'un gestionnaire ayant fait ses classes dans la construction avant d'être catapulté dans l'univers glamour d'Entourage.

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Dans l'épicentre d'Hollywood, un gestionnaire québécois est en train de se faire un nom - ou plutôt un surnom.

Pour ses collègues de travail, du jeune cadre nouvellement promu au PDG Barry Meyer, Martin Tremblay est simplement le «gars du jeu vidéo». Ou comme on dit dans les couloirs de Warner Brothers, The Games' Guy.

Embauché en 2008 pour mettre sur pied la filiale de jeux vidéo, le Québécois de 45 ans attire la curiosité dans les hautes sphères du plus important studio de cinéma de la planète, situé à Burbank, en Californie.

«Quand je me présente dans une réunion, les gens autour de la table disent: «Ah, you're The Games' Guy!» Le jeu vidéo, c'est nouveau pour Warner. Ils font des films depuis plus de 85 ans, et ça ne fait que 3 ans qu'ils sont dans les jeux vidéo», dit Martin Tremblay.

Sûr de lui, Martin Tremblay a l'ambition de diriger un jour le studio de jeux vidéo le plus rentable du monde. Il faut dire que son employeur a aussi de fortes attentes. «Warner est premier dans la production de films, premier dans la production de séries télé, premier dans la distribution, dit l'ancien PDG d'Ubisoft de Montréal. Il y a seulement les jeux vidéo où on n'est pas au premier rang.»

Nouvelle tendance forte

Pour se hisser au sommet de l'industrie du jeu vidéo, Warner Brothers compte sur la manne annoncée des jeux en ligne. Gratuits, ces jeux permettent aux joueurs d'acheter des articles pour améliorer leur performance. Martin Tremblay voit dans cette «tendance forte» un nouveau modèle d'affaires qui bouleversa son industrie. Et il veut que les six studios de Warner Brothers Interactive Entertainement, surtout son bébé montréalais inauguré l'an dernier et qui aura 300 employés en 2015, soient à l'avant-plan de cette révolution. «Le studio de Montréal peut gagner gros en s'attaquant à ce marché en pleine explosion», dit-il.

PDG d'Ubisoft Montréal de 2000 à 2006, Martin Tremblay a quitté l'entreprise française avec fracas, réglant ses comptes en cour avant de passer chez Vivendi, puis chez Warner en 2008. Le studio hollywoodien souhaitait produire lui-même les jeux vidéo de ses superhéros au lieu de vendre ses droits à des éditeurs de jeux.

Du 17e rang à sa première année en 2008, Warner Brothers espère faire partie cette année du top 5 des studios générant le plus de revenus. «Contrairement à ce à quoi j'ai été exposé dans le passé, l'ambition de Warner est d'être premier dans les profits, pas dans les revenus, dit Martin Tremblay. On est déjà parmi les studios qui ont rentables, on n'est pas un fardeau pour l'organisation.» Durant l'entrevue d'une heure qu'il a accordée à La Presse Affaires, ce sera la seule flèche - camouflée - qu'il décochera à l'endroit de son ancien employeur, Ubisoft, qui vient tout juste de renouer avec la rentabilité après un an dans le rouge.

Comme dans Entourage

Exception faite de sa passion pour les jeux vidéo, la nouvelle vie de Martin Tremblay ressemble très peu à celle qu'il menait dans le Mile End montréalais. «Ma vie ressemble à Entourage», dit-il, faisant allusion à la série culte sur les coulisses d'Hollywood produite par le réseau de télé HBO, propriété de l'empire TimeWarner.

«Les studios de cinéma, c'est dans la bâtisse d'à côté, dit Martin Tremblay. (Le réalisateur de The Dark Knight) Christopher Nolan, on le croise régulièrement. À Hollywood, il n'y a pas de limites. Je vis quelque chose de vraiment unique: j'ai tous les moyens à ma disposition.»

Martin Tremblay courtise justement trois réalisateurs «de premier plan» au grand écran pour ses prochains jeux vidéo. Le passage du grand écran à la console du jeu vidéo n'a pas toujours été concluant. Steven Spielberg, sous contrat avec Electronic Arts depuis 2005, a vu certains de ses projets annulés par le studio. George Lucas a son propre studio depuis 1982, mais celui-ci a connu ses années de gloire dans les années 90. Chez Ubisoft, Peter Jackson a collaboré à King Kong en 2005 et James Cameron à Avatar en 2009.

Après trois ans à Hollywood, Martin Tremblay ne compte plus ses présences aux premières de films ni les vedettes qu'il croise à l'épicerie dans son quartier de Pacific Palisades. Mais le côté bling bling d'Hollywood, très peu pour celui qui a grandi à Québec avec l'ambition de travailler dans l'entreprise familiale de construction. «Je pensais que j'allais y travailler toute ma vie», dit-il.

De la construction à Hollywood

Adolescent, il passait ses étés à travailler dans la construction à Kuujjuaq, dans le Nord-du-Québec. Un bac en administration et un MBA en poche, il gravit les échelons au sein de l'entreprise familiale, spécialisée dans les enveloppes extérieures pour les gratte-ciels. Jusqu'à ce qu'il rencontre par hasard un chasseur de têtes dans un dîner de financement du Parti libéral du Canada au Château Frontenac. Deux semaines plus tard, Martin Tremblay fait ses débuts chez Ubisoft. L'amateur occasionnel de jeux vidéo devient rapidement un mordu. «Je jouais à tous nos jeux et surtout tous ceux de la concurrence pour savoir où nos concurrents étaient meilleurs», dit-il.

Malgré des semaines de travail de 75 heures avec des collaborateurs sur 3 continents, le président de Warner Brothers Interactive Entertainment n'a pas perdu cette habitude qui pourrait le mener au sommet de son industrie. «Si on ne comprend pas son produit, on a beau être le meilleur administrateur, ça ne marchera pas», dit Martin Tremblay.