En se payant Skype, le leader mondial de la téléphonie internet, Microsoft (MSFT), espère rattraper ses rivaux Google (GOOG) et Apple (AAPL) à la fois sur le web et en téléphonie portable.

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Microsoft paiera 8,5 milliards US pour mettre la main sur Skype. Il s'agit de la plus importante acquisition jamais réalisée par l'entreprise cofondée par Bill Gates. «Skype est une marque incroyable pour les consommateurs. Skyper est même devenu un verbe», a dit le PDG de Microsoft, Steve Ballmer, à l'annonce de la transaction hier matin.

Leader mondial des logiciels d'ordinateur, Microsoft a du mal à s'imposer sur le web et en téléphonie portable, deux secteurs où Google et Apple lui dament respectivement déjà le pion. «Avec Skype, Microsoft revient dans le match», dit David George Cosh, analyste principal du SeaBoard Group, firme canadienne de consultation dans le secteur techno.

Microsoft a l'intention de décliner sa nouvelle acquisition sur toutes ses plateformes, de son logiciel de gestion de courriel Outlook à sa console de jeu vidéo Xbox en passant par son nouveau logiciel d'exploitation pour téléphone portable Windows Phone.

Malgré sa stratégie de convergence, Microsoft continuera de rendre Skype disponible sur les plateformes de ses concurrents. «Mais je vois très bien Microsoft offrir des options exclusives et des rabais aux utilisateurs d'autres produits Microsoft», dit David George Cosh, du SeaBoard Group.

L'acquisition de Skype sera particulièrement utile à Microsoft dans le cadre de sa nouvelle alliance conclue en février avec Nokia, qui utilisera le système d'exploitation Windows Phone pour ses téléphones portables. «Je ne serais pas surpris de voir Skype installé automatiquement sur la prochaine génération de téléphones portables de Nokia», dit David George Cosh, du SeaBoard Group.

Trop cher?

Comme dans toutes les acquisitions spectaculaires, une question demeure: a-t-on payé trop cher? Microsoft débourse 8,5 milliards US pour une entreprise déficitaire au cours de quatre des cinq dernières années. Les derniers profits annuels de Skype remontent à 2008 (+41 millions US). Skype a généré des pertes nettes de 369 millions US en 2009 et de 7 millions US en 2010.

«Microsoft a payé une prime très significative. C'est à l'entreprise de démontrer qu'il s'agissait d'une bonne transaction, mais on n'aura pas la réponse avant trois ou quatre ans», dit David George Cosh, du SeaBoard Group.

L'investisseur new-yorkais Michael Holland crie plutôt au génie. «Microsoft a une tonne d'argent qui dort, mais ils ont été brillants de ne pas partir en fou avec le prix», a dit le PDG de la firme d'investissement privée new-yorkaise Holland&Co. à l'agence Bloomberg.

Seulement 23% des abonnés de Skype sont actifs chaque mois, soit 145 des 633 millions d'abonnés au 31 décembre dernier. De ce nombre, seulement 8,8 millions d'abonnés paient pour les services de Skype. «La meilleure façon de rentabiliser Skype est d'y vendre des publicités, mais vous devez comprendre à quelle fréquence les gens utilisent Skype, ce qui est plutôt difficile», a dit Leif-Olof Wallin, analyste techno à la firme suédoise Gartner, à l'agence Bloomberg.

Selon son PDG Steve Ballmer, Microsoft songeait depuis plusieurs années à mettre la main sur Skype, qui retardait son entrée prévue à la Bourse depuis un an. Les discussions ont commencé au début d'avril. Approuvée par les deux conseils d'administration, la transaction doit être finalisée d'ici la fin de l'année.

Le prix d'achat de 8,5 milliards US en argent pour Skype dépasse l'ancien record de Microsoft pour une acquisition. En mai 2007, la société de Redmond, dans l'État du Washington, avait payé 6 milliards US pour le groupe de marketing en ligne AQuantive, répliquant ainsi à Google qui avait payé 3,1 milliards US pour DoubleClick un mois auparavant.

L'achat de Skype par Microsoft profitera aux travailleurs du reste du Canada, actionnaires de Skype depuis septembre 2009 par l'entremise de l'Office d'investissement du Régime des pensions du Canada. Au sein d'un consortium mené par la firme américaine Silver Lake, le pendant canadien de la Caisse de dépôt et placement du Québec a payé 300 millions US pour 11,7% des actions de Skype (évaluée dans son ensemble à 2,75 milliards US). Microsoft a payé 8,5 milliards US hier, ce qui permet au Régime des pensions du Canada de tripler sa mise en obtenant un rendement de 209% sur 20 mois. Exclus du Régime des pensions du Canada, les travailleurs québécois cotisent plutôt à la Régie des rentes du Québec, administrée par la Caisse de dépôt. En baisse de 11,3% depuis un an, le titre de Microsoft a perdu 0,62% de sa valeur hier pour clôturer à 25,67$US. L'indice NASDAQ a toutefois gagné 1,1% hier.

- Avec Bloomberg

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UNE COMÈTE DE 8,5 MILLIARDS US

2003

Fondation de Skype par les entrepreneurs scandinaves Janus Friis et Niklas Zennström, qui ont aussi créé le logiciel d'échange de fichiers Kazaa. Le nom de l'entreprise est une abréviation de l'expression «Sky peer-to-peer».

2005

eBay achète Skype pour 2,6 milliards US.

2009

eBay vend 65% de Skype pour 1,9 milliard US à un consortium incluant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, qui achète 11,7% des actions de Skype pour 300 millions US.

2010

Skype annonce son intention de faire un appel public à l'épargne pour 100 millionsUS. Son entrée à la Bourse est toutefois retardée.

2011

Microsoft achète Skype pour 8,5 milliards US.